Biesme en août 14, meurtres, incendies et exactions
Au fond de toutes ces races nobles, on ne peut méconnaître le fauve, la superbe bête blonde en quête de la volupté du butin et de la victoire.
A ce fond caché, il faut de temps à autre un exutoire, la bête doit ressortir, doit retourner à l’état sauvage : noblesse romaine, arabe, germanique, japonaise, héros homériques, Vikings, Scandinaves, ils partagent tous le même besoin. Ce sont les races nobles qui ont laissé la notion de « barbare » dans toutes les traces de leur passage.
( Friedrich Nietzsche philosophe allemand, Zur Genealogie der Moral 1887)
Préambule concernant les exactions à Biesme :
Le recoupement des différents témoignages concernant les événements de Biesme nous permettent aujourd’hui d’avoir une vision plus éclairée des faits qui se sont déroulés : exactions, crimes,...
En ce jour tragique du lundi 24 août, huit personnes de Biesme furent assassinées et 84 bâtiments dont 73 foyers furent incendiés.
La veille, des combats violents eurent lieu sur notre territoire entre Biesme et Oret.
Plus précisément à Wagnée puis aux Bruyères.
Le 24, les Français se replient vers le sud. Les soldats allemands les pourchassent lors de leur décrochage vers Florennes.
A Biesme, des nouvelles troupes allemandes entre dans le village avec pour mission de « nettoyer ou sécuriser de village » en vérifiant que plus aucun combattant français ne s’y trouve caché, blessé ou en position d’embuscade.
Pourquoi les Allemands étaient animés d’une véritable haine ?
Certains témoignages sont éloquents devant ce déferlement de haine envers notre population. En voici quelques extraits :
« Alors ils m’ordonnèrent de les conduire dans une boucherie. Arrivé là, je vis que la maison était remplie de soldats qui croyant voir le patron, manifestèrent leur joie en venant casser la vaisselle à mes pieds ».
Berlier de Mettet
« L’un m’arracha ma cravate et mon col, un autre me déchira ma culotte… Une gifle appliquée en pleine figure me fit venir les larmes aux yeux (…), les boches nous crachaient dans la figure. Les coups de poing et de pied tombaient. Ils ne me donnaient pas le temps de me relever. Les coups de pieds tombaient pire que jamais et plus je criais, plus on tapait, je reçus même des coups de baïonnette. »
Georges Henrotte St-Gérard
« Un soldat les suit d’un air furieux. Il semble ivre. Ses yeux, dit la femme paraissent sortir des orbites. Il empoigne Alphonse Degraux, le secoue, le laisse aller et aussitôt lui tire par derrière un coup de revolver qui atteint Degraux à la hanche. Le malheureux tombe sur le visage. Le Boche s’approche et lui tire encore 2 balles dans le cou »
Récit du père Eucher de Mardsous concernant l’assassinat d’Adolphe Degraux de Mettet.
A cette lecture, on peut se demander ce qui provoquait chez nos envahisseurs autant de haine envers notre population ?
Différents éléments entre en ligne de compte :
La langue et la religion :
Au-delà de la différence de langue, la différence de religion. Les soldats hanovriens qui combattirent chez nous étaient protestants et éprouvaient beaucoup de mépris envers l’église romaine et surtout les prêtres qu’ils accusaient d’organiser les bandes de francs-tireurs (même en Allemagne, les protestants reprochaient aux religieux catholiques romains leur rôle trop intrusif dans les affaires de l'état) https://fr.wikipedia.org/wiki/Kulturkampf
Ce qui expliquera une scène burlesque à Mettet, près de la statue St Job où des Allemands ont coiffé d’un chapeau de paille une statue de la vierge et s’amusent à la mitrailler de coups de fusil.
Dans notre entité, un seul prêtre sera victime des Allemands : l’abbé Berlier de Biesme, étudiant en théologie à Tournai.
Le mythe des francs-tireurs :
Suite à une propagande mensongère dont l’origine remonte à la guerre de 1870, les soldats allemands étaient persuadés que la population belge était composée de bandes de terroristes tuant lâchement et contre toute règle militaire, les combattants réguliers. Des récits les plus fantaisistes circulaient concernant les horreurs que les habitants avaient commises perfidement.
Un officier belge fait prisonnier à Bioul, qui servira d’interprète aux Allemands pendant plusieurs
jours écrira :
Deux choses me frappèrent chez eux : leur crainte des francs-tireurs et leur haine des prêtres .
Lors de la guerre de 1870, les civils qui prirent les armes pour faire un combat d'arrière-garde avaient profondément marqué les Allemands.
En 1914, la campagne allemande de propagande anti-belge basée sur la crainte des francs tireurs aura des résultats dévastateurs. La soi-disant présence de francs-tireurs sera la cause de tous les événements inexplicables.
http://lasenteurdel-esprit.hautetfort.com/archive/2012/08/17/heroines-na... | http://lautrecotedelacolline.blogspot.be/2013/06/1870-1871-larmee-des-vo... |
Illustrations de la guerre de 1870 Vidéo sur les francs tireurs en 1870: https://www.youtube.com/watch?v=rEQaJ1XEBeg
Le darwinisme social :
« Voici le langage tenu par un sergent allemand à Séraphin Collart de Biesme :
- L’empereur a dit avant de faire la guerre, il faut : bien piller, incendier, prendre des prisonniers pour les conduire en Allemagne, fusiller femmes et enfants, puis faire la guerre ! »
Cette déclaration qui traduit très bien la mentalité des officiers allemands de l’époque. Dans leur esprit, il était tout à fait normal que par sa nature, la guerre soit très violente,
Le feld-maréchal von Hindenburg déclarera : "On ne fait pas la guerre avec de la sentimentalité. Plus la guerre est faite impitoyablement, plus elle est humaine, au fond, car elle prendra fin d'autant plus vite !"
Ces élites étaient empreintes du Darwinisme social, théorie à la mode qui justifiait la disparition des peuples faibles face aux peuples forts.
Cette conception était bien sûr en contradiction avec les accords de la Haye, signés par l’Allemagne mais méprisés par le corps des officiers prussiens.
Un dernier élément entrera en ligne de compte, et non des moindres : la consommation exagérée d’alcool par les soldats qui vidèrent les caves lors du pillage des maisons:
Voici un extrait de correspondance d'un officier allemand à cette époque :
C'est l'heure où l'on se moque de tout sentiment d'humanité.
Quand une poignée de soldats s'abat sur une maison, on peut être sûr qu'il n'y restera plus rien. Tous les instincts se réveillent avec une terrible puissance. Le soldat qui a entendu siffler les balles et éclater les obus se dit : « Pourquoi, si aujourd'hui une occasion s'offre, dois-je m'imposer une privation?
« Demain, peut-être, je serai mort. » Et tous se précipitent dans la cave et sur les provisions, comme des fourmis sur un rat mort.
La mise à sac du village et l'incendie des habitations :
Certaines maisons sont incendiées par les Allemands dès leur arrivée, car des tireurs embusqués s’y sont retranchés. Néanmoins, d’autres maisons sont incendiées sans raison, par vengeance ! Dans certains cas comme pour la pharmacie Chauveaux à Mettet, le contenu d’une jolie villa est pillé et chargé dans des chariots ensuite la maison est incendiée pour camoufler le méfait.
Ainsi, les témoignages nous font découvrir que les soldats allemands envahissent nos villages en faisant preuve d’une férocité véritablement haineuse en pillant, souillant et détruisant les foyers. Le plus révoltant sera l’agression psychologique : c’est un viol de l’affectif du symbole de la famille. C’est le même esprit qui attise les troupes à la profanation religieuse, aux assassinats, aux simulacres d’exécution, aux viols.
Toujours est-il que ces faits laissent supposer une politique militaire tout à fait prédéterminée.
Témoignage du pharmacien Berlier de Mettet :
« On entendait les portes des maisons que les soldats enfonçaient, les vitres voler en éclats. Vers le soir, ils étaient tous ivres. Beaucoup se costumèrent en femme et se promenaient avec des lanternes vénitiennes. »
« Dehors un soldat allemand vint me parler, il me dit qu’il était étudiant à l’université, que le pillage d’une ville c’était triste, mais que l’on devait bien donner cela aux soldats après un combat, d’ailleurs que les habitants étaient partis et qu’ils pouvaient prendre tout ce qu’ils voulaient… »
Suite à ces comportements, il en résultera une image catastrophique de l’Allemagne et des Allemands : Avant la guerre, les Belges voyaient en eux un peuple cultivé, conservateur et respectable, opposé aux idées révolutionnaires françaises. La Reine Elisabeth n’était-elle pas princesse Bavaroise ?
Après toutes ces exactions, tous ces meurtres, l’Allemand ne laissera derrière lui qu’une seule image qui lui collera comme une injure : « le Boche » !
Atrocités à Dinant: 674 hommes, femmes et enfants passés par les armes ou tués cruellement à coups de baïonnette pour éviter les coups de feu qui semaient le trouble chez les soldats Lors de ce massacre plus d'un millier d'habitations seront incendiées |
Le viol, une réalité de la guerre, restra un sujet tabou afin de protéger les victimes. |
Les embuscades :
S’il est établi que les civils n’ont pas fait le coup de feu, de nombreux Allemands sont victimes de soldats français en embuscade. Ainsi le 24 après le repli des Français, lorsque quatre uhlans descende la ruelle cadet à Oret, deux d’entre eux sont tués par des soldats embusqués. Quelques heures plus tard, un officier allemand est abattu à côté d’Adolphe Denis en plein centre du village par un Français embusqué dans un cabanon servant de four à pain.
A Devant les bois, des soldats allemands sont mystérieusement abattus. Un habitant et ses deux fils doivent être passés par les armes. Ils doivent leur salut à un Allemand qui témoignera que c’est un tirailleur algérien caché dans un arbre qui a tiré les coups de feu mortels.
Face à ces embuscades qui mettent leurs nerfs à vif, les Allemands adoptent des mesures impitoyables de rétorsion : si l’on tire d’une maison, ils l’incendient, si l’on tire de nombreuses maisons, c’est le village qui est incendié. Les habitants sont souvent accusés de ces tirs. La cause du meurtre des civils relève souvent de la simple colère. De nombreux vieillards ou simples paysans sont fusillés lorsqu’ils ne sont pas torturés. Ils se trouvent au mauvais endroit, au mauvais moment.
Le capitaine von Heinelling de la 83e brigade, XIe corps consigne sur un billet de réquisition le texte suivant : « Stave vient d’être incendié parce que les soldats français ont tiré de ce village ». A Ermeton-sur-Biert, un officier dit au docteur belge Helsmoortel : « tout le village où l’on s’est battu doit être incendié »
La prise d’un village est souvent un acte en trois temps:
Le Général français Lanrezac écrit dans ses mémoires :
« Les Allemands occupent le terrain point par point, soit village, par village.»
Suivant l’analyse minutieuse de nombreux récits, la prise et l’occupation d’un village se déroulaient en 3 phases :
Les troupes des premières lignes :
Tout d’abord, les troupes de premières lignes doivent chasser les ennemis et occuper les lieux.
Ces troupes s’arrêtent en fin de journée et occupent la position conquise, généralement un village afin de se reformer.
Dans cette guerre de mouvement d’août 1914, le village à une valeur symbolique. Il est géographiquement bien identifié et constitue un objectif à conquérir, une position souvent défendue. Le vainqueur sera celui qui le soir en aura délogé l’autre et y établira son bivouac.
Dans les unités allemandes, en ce début de conflit, les soldats de première ligne sont des guerriers disciplinés et la plupart ont déjà vécu le baptême du feu. Même si leur expérience ne se limite qu’à une quinzaine de jours, lors des combats contre les Belges : à ce niveau, les soldats allemands sont supérieurs aux soldats français. Preuve en est : l’efficacité de l’artillerie déjà coordonnée avec les repérages aériens alors que du côté français on n’est nulle part…
A Wagnée, la stratégie lors des attaques préfigure celle de la seconde guerre mondiale : Un repérage aérien, suivi d’un pilonnage d’artillerie d’une heure et demi, puis soutenu par des mitrailleuses, l’assaut de groupes de fantassins amenant parfois avec eux, un canon en première ligne!
Concernant la prise d’un village : les combats de rue sont très meurtriers et psychologiquement difficiles : le soldat risquant à tout moment d’être la proie d’un tireur embusqué.
Ainsi, Lors de la conquête du terrain, si des maisons servent de repaires à des soldats ennemis pour y faire le coup de feu, ces bâtiments sont systématiquement incendiés.
Il s’agit plus à ce moment d’une opération de sécurisation que d’un acte de représailles :
En effet : Les soldats qui ont tiré de la maison quelques minutes auparavant sont-ils toujours présents ou reste-t-il un soldat blessé qui attend de voir entrer dans la maison un Allemand, pour tirer son dernier coup de feu ?
L’incendie de la maison suspecte évite aux Allemands de se poser ces questions angoissantes et de risquer ainsi leurs vies. L’intérieur n’étant que boiserie, la maison s’embrase en quelques minutes.
Pour preuve qu’il s’agissait d’une action bien étudiée auparavant : de nombreux témoins signaleront que les Allemands avaient à leur disposition des pastilles incendiaires (les Allemands ne disposaient pas encore de grenades, l'arme par excellence pour déloger des ennemis retranchés dans une habitation) .
Pastille incendiaire Oswald ou pastille thermit :
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Ces petites pastilles étaient enfilées en chapelet et servaient à incendier les maisons |
Les soldats d’assaut incendient des maisons, mais sans excès oserait-on dire, car les incendies sont aussi une façon pour leurs ennemis de découvrir leur position, leur avance.
Ainsi à St Gérard, le village en feu servira de repère efficace au fort de St Héribert pour bombarder le village où se trouvent les Allemands.
Témoignage du curé Baisir de Biesme retranscrit par le RP Euchert de Maredsous :
« C’est le dimanche soir vers 21H00, que les Allemands entrèrent dans le village, venant de Gougnies. Ils furent tranquilles, n’entrèrent pas dans les maisons, sauf quelques cafés et n’inquiétèrent personne. Ils pillèrent déjà quelques maisons mais pas comme après…»
« La masse y prit position vers 9H00 du soir. »
Les ambulanciers :
La deuxième opération observée suivant toujours l’analyse des différents témoignages, se déroule de nuit sur le terrain conquis :
Dès que les troupes d’assaut se reposent, les ambulanciers entrent en action : Ils ont deux missions : évacuer les blessés et éliminer les cadavres de soldats allemands. Pour cette dernière tâche, ils n’hésitent pas à utiliser les granges ou les maisons, pour y entasser les corps de leurs compatriotes et y bouter le feu afin de s’en servir comme four crématoire.
Cette mission d’élimination des corps est historiquement indiscutable suivant de nombreux témoignages sur toute la ligne du front.
Tous ces témoignages laissent à admettre qu’il s’agissait également d’une pratique courante réalisée suivant des ordres bien établis et une volonté politique prédéterminée.
Pourquoi se débarrasser ainsi des corps ?
L’esprit allemand de l’époque nourri du darwinisme social, privilégie les solutions efficaces et radicales même si ces dernières sont brutales :
• L’incinération des morts dès le soir permet de résoudre un problème d’hygiène qui va se poser face à décomposition rapide des corps lors de ces journées très chaudes. En plus des cadavres humains, ajoutons celui des chevaux des armées et des bêtes, abandonnées par les fermiers lors de l'exode, toutes ces victimes directes ou collatérales des combats risquant de polluer les points d'eau potable, celle-ci étant capitale lorsque les soldats avancent pas centaines ou par milliers.
• Faire disparaître les corps des soldats allemands de la vue des unités suivantes permet de préserver la santé mentale et le moral des soldats. L’absence de morts allemands face aux nombreux corps disloqués français incite à croire à une guerre victorieuse et peu meurtrière !
• Le mythe des francs-tireurs belges est bien présent : afin de s’assurer qu’aucun crime ne se produise par la suite sur des soldats fatigués ou endormis, il faut retirer le plus vite possible tous les corps allemands.
Pour preuve, à Oret le village fut « nettoyé » durant la nuit du lundi à mardi : tous les morts allemands furent incinérés dans les maisons. Cependant le corps d’un soldat qui se trouvait dans une grange n’a pas été trouvé et donc enlevé. Le mardi dans la journée lorsque les Allemands découvrent ce cadavre, ils accusent tout logiquement les civils d’avoir commis un crime, veulent fusiller tous les habitants et raser complétement le village.
• Enfin, en ce début de la guerre, les Allemands repoussent les Français suivant les plans établis, le plan Schlieffen. C’est donc une victoire allemande. Pour l’opinion publique et pour l’histoire, il ne serait pas acceptable de présenter un nombre supérieur de morts du côté des vainqueurs. La victoire se doit d’être totale !
Lors de l’inauguration du cimetière de Wagnée les Allemands sans gêne aucune, intervertiront le nombre de morts Allemands (285) avec celui des Français (170).Ce fut efficace puisque ce sont ces chiffres falsifiés que l’histoire a retenu.
Ainsi donc, suivant les témoignages, il s’est avéré qu’à Biesme comme à Oret, à St Gérard, à Maison, à Ermeton-sur-Biert ou vers la Sambre comme à la ferme de la Belle-Motte , les Allemands d’une façon très organisée, incinérèrent volontairement leurs frères d’armes dans des granges et dans les maisons.
À Oret, nous savons que la grange de Joseph Hastir au Tienne de Biesme servira à cette triste besogne. Son fils Arthur a toujours gardé en mémoire d’avoir retrouvé dans les cendres de la grange les restes métalliques d’uniformes de soldats.
Au centre de Biesme au moins la grange de Vital Massin et une habitation à Wagnée servirent de fours crématoires improvisés : en fait foi également la quantité de boutons, boucles de ceinturons et fers de chaussures retrouvés dans les décombres (archives de P Gerard de Biesme).
On pourrait même en déduire que si il y eut autant de morts allemands répertoriés dans les campagnes, aux alentours de Wagnée, c’est par insuffisance d’habitations ou de granges pour les incinérer.
Un témoignage très intéressant de la comtesse Anne de Villermont d’Ermeton nous éclaire sur l’organisation allemande dès la fin des combats. Extrait de mes souvenirs de guerre :
« Je dois reconnaître que leur organisation était admirable : à peine la bataille terminée, une nuée de brancardiers, des médecins, des fourgons de pansements se trouvaient là »
« Les Allemands mettaient un grand soin à ce que nous ne voyions pas leurs morts. On enterrait la nuit ceux qui étaient morts dans le château »
« les Allemands jetèrent beaucoup de leurs morts dans les maisons en flammes ».
A Saint-Gérard même scénario, Récit du curé de Maison :
« Lundi matin, lorsque je me rendis compte que les Allemands descendaient vers Lesves, je descendis ; arrivé dans la vallée (le fond de Saint-Gérard) je trouvais des ambulanciers allemands de la Croix Rouge qui ramassaient des blessés français. On ne voyait plus de blessés allemands ni même de tués ; ils avaient jetés les cadavres dans les meules et les maisons incendiées. On y a retrouvé des quantités de boutons, d’ossements et d’autres objets leur appartenant.»
Les troupes de nettoyage ou de sécurisation :
Enfin, la dernière opération devait être la fouille minutieuse des maisons et des environs afin de s’assurer qu’aucun soldat ennemi n’était caché dans les villages définitivement conquis ou que plus aucune arme était dissimulée.
Les troupes les plus aguerries et disciplinées étant utilisées pour les attaques en première ligne, cette dernière mission de vérification avant « l’occupation » était dévolue à des troupes à la discipline relâchée, des troupes de trains de combats ou trains d’équipages qui suivaient le front et devaient assurer l’approvisionnement aux combattants en munitions et nourriture.
Le général français Lanrezac souligna dans ces mémoires, la meilleure discipline des soldats allemands. Néanmoins « l’herbe n’était pas plus verte en face » : Ainsi le baron von Hodenberg, du 100e grenadiers du XIIe corps, note ses impressions à Rethel, quelques jours après son passage dans notre province. Il écrit :
« La discipline va baissant de plus en plus. Eau-de-vie, vin et pillage sont à l'ordre du jour. La faute en est à l'infanterie. Ce sont les troupes des trains de combat qui se comportent le plus mal » (Schmitz et Nieuwland T5 P10)
Train d'équipage du 77 IR, régiment d'infanterie présent à Biesme en août 1914
Avec le fallacieux prétexte de fouiller les maisons, ces soldats se livraient à un véritable pillage en règle où suivant leur état d’ébriété, ils se livraient à des exactions complètement gratuites.
Les témoignages suivants nous permettent de confirmer cette attitude de la soldatesque :
Stave :
« Entrée des troupes allemandes lundi 24 à 11H00, un groupe de soldats se mit en devoir d’enfoncer les portes fermées et de fouiller les maisons.
Le lendemain vers 8H00, départ des premières troupes. Passage d’autres régiments vers 14H30, ces troupes arrivant de diverses directions tirent des obus sur un coin du village, détruisant plusieurs maisons, puis pénètrent dans les rues en tiraillant et incendiant les immeubles ».
Récit du curé de Stave
A Furnaux c’est le même scénario ; les premières troupes allemandes arrivent le matin du 24. Le 25, après leur départ, des troupes plus violentes entrent dans le village :
« Le mardi après-midi arrive un nouveau régiment avec drapeau et musique militaire. Plus brutal encore que celui de la veille. Les affaires commençaient à se gâter le mercredi après-midi par suite de leur soûlerie, lorsque ces troupes furent rappelées dare-dare pour marcher contre le front russe et partirent sur le champ.
Biesme :
« A leur entrée dans le village, ils ne se montrèrent pas trop méchants. Ils ont incendié alors déjà quelques maisons ».
« Ils pillèrent déjà quelques maisons, mais pas comme après… »
Abbé Baisir
Ces soldats utilisèrent couramment des pauvres habitants terrorisés pour s’assurer de l’absence de Français dans les maisons avant de se livrer au pillage. Le contenu des caves est vidé. Il s’ensuit des scènes de soûleries et de débauches épouvantables. En fin de journée la plupart sont complètement ivres.
Récit du lundi 24 août les villages de Mettet, Biesme et Oret sont livrés aux pillages :
Adolphe Denis d’Oret :
« Quant à moi, ils me firent prisonnier et m’emmenèrent avec eux avec mes habits en lambeaux et tout maculés de sang (…).
« Ne me laissant aucun répit, ils m’emmenèrent encore avec eux perquisitionner à l’école des filles pour voir s’il n’y avait pas de Français, puis chez le marchand Vital Dautrebande et me firent remonter tout le vin contenu dans la cave. »
Baudelet de Mettet :
« le soldat me faisait entrer dans les chambres, les caves, toujours le premier et lui me suivait revolver à la main. Quelle journée d’horreur : des soldats brisaient les fenêtres, d’autres défonçaient les portes à coups de hache, transportaient les marchandises d’une maison à l’autre, les jetaient par terre et les piétinaient. Des femmes allemandes chargeaient des étoffes dans des camions. Ces soldats devenaient ivres et toujours de plus en plus sauvage.
Baisir de Biesme :
« Armés de gros marteaux ou d’autres instruments, les soldats firent voler en éclats portes et fenêtres et pénétrèrent dans les demeures à la recherche des Français. Pillant et saccageant tout, ils s’emparèrent de ce qui était à leur convenance et notamment du vin et des liqueurs ».
Berlier, pharmacien de Mettet :
« On entendait les portes des maisons que les soldats enfonçaient, les vitres voler en éclats. Vers le soir, ils étaient tous ivres. Beaucoup se costumèrent en femme et se promenaient avec des lanternes vénitiennes. »
A Biesme, à en croire un témoignage, parmi ces troupes, se trouvaient des repris de justice.
Séraphin Collart qui nourrit des Allemands, puis qui interpelle ceux qui ont brûlé sa maison, en particulier un sergent :
Après l’incendie de sa maison, Séraphin revoit le sergent et lui dit :
-Je vous avais bien reçus et vous m’avez incendié !
Le sergent répondit :
-Pas nous soldats avons mis le feu, mais prisonniers. Prisonniers méchants !
il s’agit vraisemblablement de repris de justice allemands »
N’attribuer ces comportements inhumains qu’au passage de ces secondes troupes serait un raccourci non historique : Les premières troupes se livrèrent aussi à des exactions, Ainsi si lors de la bataille de St Gérard, on ne déplore un civil tué d’une balle perdue, le lendemain à Ermeton, les soldats de la garde ayant perdu de leur superbe se livrent à des exactions en fusillant plusieurs civils.
Les meurtres à Biesme
Suivant les témoignages, reprenons chronologiquement les différents événements survenus à Biesme :
« Le Dimanche vers 21H00, les Allemands entrèrent dans Biesme par Gougnies, ils furent tranquille.
Lundi, il était 7 ou 8 heures. Immédiatement, ils allumèrent des incendies absolument volontaires et inutiles. La bataille était finie, il n’y avait plus un soldat français dans la localité et les environs. Les soldats n’ont même pas fait le reproche que l’on avait tiré sur eux. »
« Dès la première heure aussi, ils se présentèrent au presbytère, défonçant les portes. Ils emmenèrent assez brutalement Mr le Curé au Jardin, lui demandèrent s’il cachait des Français, firent la visite des caves, puis arrivèrent au rez-de-chaussée. N’allèrent pas plus loin. Mr le curé leur servit vins et bières.»
« Dans la matinée du lundi, les troupes allemandes occupèrent tout le village et alors commença la visite de toutes les habitations. Armés de gros marteaux ou d’autres instruments, les soldats firent voler en éclats portes et fenêtres et pénétrèrent dans les demeures à la recherche des Français. Pillant et saccageant tout, ils s’emparèrent de ce qui était à leur convenance et notamment du vin et des liqueurs. Les rares habitants rencontrés par eux furent pris comme otages. Tous cependant furent relâchés à l’exception de Mr l’abbé Berlier étudiant au grand séminaire de Tournai qui fut emmené à Oret où il fut assassiné, et de Camille Michaux qui fut conduit en Allemagne où il subit de nombreux mauvais traitements. »
« Lundi 24 vers 18H00, vive alerte : sous prétexte d’attaques de francs-tireurs contre l’armée, ce qui était complétement faux, il y eut une fusillade acharnée. C’est alors que trouvèrent la mort Aimé Piret, fusillé dans le corridor de sa maison. Alfred Demeure et Marie Remy (veuve Defresne) tous deux furent tués dans la campagne.
A ce moment, neuf habitants parmi lesquels le curé et le bourgmestre furent pris comme otages et gardés sur la place communale. En même temps, il était donné l’ordre d’incendier le village.
84 maisons* y compris ceux qui avaient été incendiées dans le combat furent détruites. Entre autres le presbytère, le patronage, la maison des religieuses.
Une personne infirme : Amandine Collard resta dans les flammes.
* : Il s’agit plutôt de 84 bâtiments dont 73 maisons, des granges et des remises.
Ruine du Château Fabry |
Victimes de Biesme lors de la journée tragique du 24 août, par ordre chronologique :
1. Remy Honorine 55 ans, accompagnant son mari Benjamin Detellier, voulait se sauver vers le Planois. Le soir du dimanche, pendant la bataille, arrivée au sommet de la colline qui domine la station, elle fut traversée d’outre en outre par une balle que des soldats allemands venant du Planois tirèrent sur le groupe. Son mari fut touché à l’oreille. Les blessés descendirent en se sauvant. Honorine survécut jusqu’au 04 octobre, date de sa mort.
2. Beguin Olivier ouvrier de 40 ans tué en rentrant chez lui pour récupérer sa montre vers 8H00 du matin, le lundi.
3. Delsart Charles tailleur de pierres de 48 ans, tué le lundi matin également dans les campagnes en revenant de Mettet au lieu-dit : « le Tricolo »
4. Mr Louis Berlier fils du secrétaire communal, étudiant en théologie à Tournai, 23 ans. Il est pris le lundi matin en otage avec un de ses compagnons « Camille Bodard » de Le Roux. Les soldats cherchant probablement un bouclier humain pour se rendre à Oret.
Lui et son ami sont assassinés à Oret. Louis Berlier est abattu de 3 balles dans le dos à bout portant. Il est ramené à Biesme et enterré dans le cimetière.
5. Piret Aimé, fondeur, 64 ans ; au moment de la fusillade du lundi soir, rentrait de son jardin dans le corridor. Il fut criblé de balles tirées par des soldats qui étaient dans sa maison. Léon Stavart était là et fut témoin de la scène. Ce dernier était contraint de fouiller les habitations sous la menace des Allemands.
Toujours lundi soir :
6. Demeure Alfred, 43 ans, il est est abattu alors qu’il était à la recherche de sa vache dans une prairie proche de 150 mètres de la maison Piret.
7. Remy Marie veuve Defresne : Au même moment, Alfred Demeure et Marie Remy qui revenaient d’un village voisin et étaient sur les lieux furent tués.
8. Collard Amandine, 63 ans, infirme. Sa maison et celles d’autres voisins sont incendiées le lundi vers 18H00. Elle meurt dans les flammes. Son frère Séraphin, demande l’autorisation de la sauver, mais se voit mettre un revolver sur la tempe et est contraint d’assister à la mort de sa sœur.
Que s’est-il passé ?
Les trois premières victimes de Biesme rencontre ce matin du lundi 24 août, au mauvais moment, les soldats qui arrivent à Biesme avec pour mission de sécuriser le village en fouillant chaque endroit.
A cette heure, la ligne de front et les troupes de premières lignes occupent Oret. Il n’y a plus de combattants français à Biesme sauf des isolés que ces unités doivent débusquer.
Ces troupes venant de Gougnies ont déjà commis des atrocités la veille en assassinant des habitants et des blessés français. Surprenant les civils, ces soldats font le coup de feu, tuant lâchement les 3 premiers habitants de Biesme.
Quant à l’abbé Berlier : Il est pris en otage devant chez lui, avec un camarade d’infortune afin de servir de bouclier humain à des troupes qui doivent se diriger sur Oret où des combats ont encore lieu.
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Dernières victimes :
Vers 18H00 lorsque des soldats ivres tirent dans un coin du village, c’est la panique : Les Allemands qui ont la peur constante d’une agression par traîtrise, de civils, pensent qu’il se produit une attaque de francs-tireurs : L’excitation et l’affolement sont généralisés : On tire sur chaque habitant qui apparaît et on trouve prétexte à incendier le village. Ces événements dramatiques feront encore quatre morts.
A ce moment de sauvagerie, il s’en fallut de peu pour que les neuf otages ne soit pas passé par les armes.
Récit de l’abbé Baisir, curé de Biesme relatif aux événements du mois d’août 1914 :
« Durant les premières semaines de la guerre, la population de la paroisse s’est distinguée par une grande ferveur dans la prière. Chaque jour, des centaines de personnes se réunissaient à l’église ou dans des chapelles de la paroisse pour assister à la messe et recevoir les sacrements.
Le dimanche 23 août, pendant toute la journée, et le lundi 24 de grand matin, il y eut de violents combats sur le territoire de Biesme. Conséquence : plusieurs maisons incendiées par les obus, beaucoup de soldats tant allemands que français tués.
Dans la matinée du lundi, les troupes allemandes occupaient tout le village et alors commença la visite de presque toutes les habitations. Armés de gros marteaux ou d’autres instruments, les soldats firent voler en éclats portes et fenêtres et pénétrèrent dans les demeures à la recherche des Français. Pillant et saccageant tout, ils s’emparèrent de ce qui était à leur convenance notamment du vin et des liqueurs. Les rares habitants rencontrés par eux furent pris en otage. Tous cependant furent relâchés à l’exception de monsieur l’abbé Berlier, étudiant au grand séminaire de Tournay qui fut emmené à Oret où il fut assassiné et de Camille Michaux qui fut conduit en Allemagne où il subit beaucoup de mauvais traitements. Il revint dans son village le 2 novembre.
Dans l’après-midi de cette journée du 24, des officiers de la Croix Rouge forcèrent sous peine de mort, le curé de la paroisse d’aménager l’église pour y placer des blessés. Ceux-ci séjournèrent dans le lieu saint jusqu’au samedi matin. C’est alors qu’ils furent embarqués vers Chatelet par chemin de fer.
Vers 6H00 du soir, vive alerte : sous prétexte d’attaques de francs-tireurs contre l’armée (ce qui était complétement faux) il y eu une fusillade acharnée. C’est alors que trouvèrent la mort d’Aimé Piret, fusillé dans le corridor de sa maison ainsi qu’Alfred Demeure et Marie Remy veuve Defresne tous deux tués dans la campagne. A ce moment, neuf habitants parmi lesquels le curé et le bourgmestre, furent pris comme otages et gardés sur la place communale. En même temps était donné l’ordre d’incendier le village : 84 maisons y compris celles qui avaient été incendiées dans le combat furent détruites entre autres, le presbytère, le patronage, la maison des religieuses ; une personne infirme Amandine Collart resta dans les flammes.
Victimes :
1° : Mr Louis Berlier, fils du secrétaire communal étudiant en théologie à Tournay 23 ans ½ massacré à Oret : trois balles dans le dos à bout portant ramené à Biesme et enterré dans le cimetière.
2° : Piret Aimé fondeur, 64 ans fusillé dans sa maison.
3° : Demeure Alfred, bûcheron, 43 ans tué dans les champs.
4° : Remy Marie : veuve Defresne, 64 ans tuée dans les champs.
5° : Collard Amandine 63 ans brûlée vive dans sa maison.
6° : Begin Olivier ouvrier 40 ans.
7° : Delsart Charles tailleur de pierre, 48 ans, comme le précédent, tués dans la campagne.
8° : Remy Honorine épouse Detellier, 55 ans, transpercée par une balle, vécut jusqu’au 4 octobre, date de sa mort.Le curé resta prisonnier (otage) jusqu’au samedi. Cependant, il pouvait circuler dans la paroisse pour visiter les malades et les blessés et enterrer les morts. Il était obligé de se présenter à heure fixe au commandant de la place.
L’église fut heureusement épargnée, elle servit d’ambulance pendant une semaine, mais à partir du 30 août, elle fut rendue au service du culte.
Comité local d'alimentation de Biesme en 1918 |