Stave en août 1914
Stave est le dernier village de l’Entité dont s’emparent les Allemands. Alors qu’aucun combat important ne s’y déroule, le village sera victime d’une véritable razzia. Que s’est-il passé ?
Déjà, dans la nuit du dimanche 23, des unités allemandes venant de l’est et infiltrées entre les lignes se livrent à des combats de nuit en bordure du village de Stave. Celles-ci sèment la panique et obligent le 41e RI français à évacuer vers le sud.
Lundi 24 au matin, lors du repli général vers Florennes, l’artillerie française s’était mise en batterie au nord de Stave, derrière la crête et le vieux chemin bordé de peupliers reliant Oret à Biesmerée. Les canons tiraient contrebattus par les batteries allemandes, mais il n’y eut aucun dégât dans le village. Du côté des soldats français, une vingtaine de blessés et quatre ou cinq morts furent à déplorer.
Vers 8h00 du matin, l’arrière-garde quitte le village et se dirige vers la France via Florennes-Philippeville. Néanmoins, à Oret des combats d’embuscade ont encore lieu menés par des soldats téméraires qui cachés çà et là, ralentissent l’avancée de l’ennemi.
Devant ces événements, presque toute la population a fui ou s’est cachée dans les bois.
À 11h00, les premiers Allemands pénètrent dans Stave : il s’agit des troupes de la Garde Impériale faisant partie de la IIe armée. Le curé et l’instituteur les attendent à l’entrée du village ; ils sont aussitôt pris en otages. Ce sont les troupes de première ligne : pendant que certains fouillent les maisons, d’autres se glissent dans les jardins et les prés ; le village est complétement cerné. Quelques Français trop épuisés pour continuer à s’enfuir et réfugiés au château sont faits prisonniers. Les officiers investissent le château. Il ne reste au village que quelques hommes et des vieillards. Si les maisons visitées sont pillées de leur nourriture, les pires destructions n’ont pas encore commencé.
Panorama de Stave avec vue sur le chemin bordé de peupliers |
Ces premières troupes quittent Stave le lendemain de grand matin pour poursuivre les Français dans leur retraite, et partent vers Florennes.
A 14H30, une autre unité allemande arrive dans le village et commence à tirer des obus. Quelques maisons s’embrasent, d’autres sont seulement dégradées. Après cet assaut inutile d’artillerie, les soldats surgissent. Ils entrent dans le village en se livrant à une furieuse fusillade. Nettoyé par les troupes précédentes, le village n’abrite plus aucun soldat français et les rares habitants sont terrés dans les caves.
Déjà, ces nouveaux assaillants commencent à incendier les habitations. Le commandant de ces troupes exaltées réclame le curé et le bourgmestre du village. Il est près de l’église sur son cheval et rugit que l’on a tiré sur ses troupes et que le village va être incendié. Les objections des habitants apeurés n’y peuvent rien. Pillage et incendies se succèdent alors que sous bonne garde, les habitants sont emprisonnés toute la nuit dans la cour de l’école.
Sans aucune raison, pas moins de 74 maisons seront ainsi incendiées à Stave.
Un pauvre vieillard de 82 ans qui s’était éloigné à la recherche de son bétail sera retrouvé tué.
Ces secondes troupes appartiennent à la 83e brigade (38e division) du XIe corps de la IIIe armée. Ces troupes stationnent également à Mettet et à Biesmerée. Le 25 août, elles doivent quitter précipitamment nos villages, car elles sont appelées en renfort sur le front de l’Est.
Le capitaine von Heinelling de la 83e brigade, XIe corps consigne sur un billet de réquisition le texte suivant : « Stave vient d’être incendié parce que les soldats français ont tirés de ce village ». (Schmitz et N)
Vue romantique des soldats de la 83e brigade partant à la guerre (la 83e brigade était composée des soldats des 94e et 96e régiment) |
La réalité de la guerre fut bien différente de ce que ces soldats s'étaient imaginés |
Composition de la IIIe armée : http://1914ancien.free.fr/comp3all.htm
Ces soldats saxons de l’armée de von Hausen, ne font que suivre de 24h00 les soldats de la garde de la deuxième armée. Depuis le 24, la deuxième et la troisième armée font leur jonction dans notre contrée, ce qui occasionne pas mal de désordre. C’est d’ailleurs une crainte de von Hausen de voir ses régiments se télescoper avec ceux de von Bullow (IIe armée) et de créer ainsi des incidents déplorables. Il n’est pas étonnant que les troupes du XIe corps, devant leurs actions qui ne se limitent qu’à piller des villages déjà débarrassé des Français, soient envoyées d’urgence sur le front de l’est, où les Russes ayant mobilisé bien plus tôt que prévu réalisent des percées inquiétantes sur le sol allemand. Ce transfert de troupes permettra aux Français quelques jours plus tard de faire basculer la situation et de remporter la victoire de la Marne. http://www.mettet14-18.be/videos/combats-daout-1914-la-bataille-la-marne
Château Blockausen à l'époque de sa splendeur | Même vue, après août 1914 |
Il est possible que le château de Stave fût incendié après avoir été soigneusement pillé, et ce afin de cacher cette forfaiture. Nous avons un exemple de cette méthode à Mettet concernant la maison du pharmacien Chauvaux. Dans ce même village un habitant fut le témoin du passage de chariots militaires allemands transportant des meubles et des bibelots de luxe provenant sans aucun doute de pillages.
Rapport de l’abbé Paquet, curé de Stave pendant la guerre.
« Remise des armes sur ordre de l’autorité civile. Evacuation momentanée du plus grand nombre des habitants lors de la retraite des troupes françaises et des combats qui eurent lieu sur le territoire de la commun e et semblait se diriger vers le village même.
Le dernier combat important, au cours de la retraite de l’armée française, eut lieu en partie sur la lisière nord de la paroisse, mais ne causa aucun dégât.
Entrée des troupes allemandes lundi 24 vers 11H00. Un groupe de soldats se mit en devoir d’enfoncer les portes fermées et de fouiller les maisons. D’autres groupes se répandirent à travers les jardins et les prés, cherchant vainement à débusquer des soldats dissimulés. Les arrière-gardes françaises avaient traversé le village vers 8H00 et se trouvaient déjà bien loin vers Philippeville. Cependant le gros de la troupe se forma en colonne pour traverser le village avec en tête, en seconde ligne, le curé de la paroisse et un civil étranger réfugié dans le village.
On arriva sans encombre dans la cour du château, où quelques soldats français épuisés de fatigue et endormis furent surpris dans une remise et faits prisonniers. Le château étant inoccupé, la porte fut enfoncée et l’état-major comprenant plusieurs généraux de la garde s’y installa.
Vers 11H30, sous le prétexte absolument faux que des coups de feu avaient été tirés sur la troupe : arrestation du curé de la paroisse qui fut consigné comme otage dans une salle du presbytère sous la surveillance de trois soldats de la garde. Pendant ce temps se déroulait un pillage en règle de toutes les maisons.
Mardi vers 8H00, départ des premières troupes et passage d’autres régiments. Vers 14H30 des troupes arrivant de diverses directions lancent des obus sur un coin du village, détruisant plusieurs maisons, puis pénètrent dans les rues de la localité en tiraillant et en incendiant les immeubles. 2eme arrestation du curé de la paroisse. Menaces de mort vis-à-vis de quelques habitants restés dans le village ou venant d’y revenir. Ces otages furent rassemblés près de l’église. Ces menaces sont renouvelées par le général en personne, sous le prétexte que l’on a tiré et ensuite qu’il n’y a plus d’eau dans le village. La conduite d’eau est à sec et il faut néanmoins fournir de l’eau sous peine de mort. La responsabilité en incombe au curé de la paroisse ! On finit tout de même par en découvrir un peu. Après des discussions et des allées et venues, finalement, tous les habitants, présents avec le secrétaire communal et le curé, sont poussés vers la cour des écoles pour y rester jusqu’au lendemain 8H00 sous la garde d’une troupe menaçante. La nuit se passe à s’émouvoir de la lueur sinistre des incendies qui s’allument de toute part.
Le mercredi vers 8H00, les prisonniers sont libres de rentrer chez eux pour y déplorer, les uns une maison pillée de fond en comble, les autres, des ruines fumantes.
Pendant cette journée du mercredi, les habitants s’enhardissent à rentrer peu à peu. Les hommes reçoivent l’ordre de procéder à l’enfouissement de nombreux cadavres de chevaux qui gisent dans les campagnes depuis plusieurs jours. Epuisés par la fatigue, les émotions et les privations (toute la nourriture a été pillée) ils s’acquittent de leur dure besogne sous les menaces et les coups.
Vers 15H00, troisième arrestation du curé, du bourgmestre et de deux autres hommes, pour être retenus en otage dans la maison où réside le général, jusqu’au départ des troupes d’incendiaires qui se déroulent durant la nuit du mercredi au jeudi.
Pendant toute cette journée du mercredi, des incendies ont encore été allumés de divers côtés jusque pendant la nuit.
Le lendemain jeudi, la plupart des habitants étaient de retour. Les troupes s’étaient éloignées et l’on put mesurer alors l’étendue du désastre : près de 70 maisons avaient été la proie des flammes et ne formaient plus qu’un amas de décombres. Le désastre eût été plus grand encore sans les efforts qui furent faits pour éteindre le feu bouté dans certaines maisons, pour décider les soldats à en respecter d’autres qu’ils s’apprêtaient à détruire et enfin pour supplier le chef à faire cesser ces dévastations. Ce jour-là, on ramassa au milieu du chemin du village, un malheureux civil tué, que l’on ne put identifier à ce moment. Plus tard, des renseignements firent connaître que cet homme d’environ 45 ans, était originaire de Spontin, et avait été emmené par les Allemands avec d’autres prisonniers. On sut par ses compagnons que mourant de soif, il avait voulu s’écarter pour se désaltérer à une borne fontaine. Il avait été frappé au front par une balle qui l’avait étendu raide mort au milieu du chemin où son cadavre avait été abandonné.
Ce même jour, on découvrit dans une prairie, le corps d’un vieillard de 82 ans, habitant la paroisse. Ayant voulu aller à la recherche de son cheval, il avait été abattu d’un coup de feu. La mort remontait probablement au mardi. Les deux corps furent enterrés religieusement dans le cimetière de la paroisse.
Au cours du mois de septembre 14, arrestation du chef de gare. Il fut emprisonné 1 mois dans la prison de Namur sans en connaître le motif. Enfin, après un jugement sommaire, on l’accusa d’avoir caché des armes : le revolver du facteur avait été découvert dans le coffre-fort de la station que les Allemands avaient eu soin de défoncer. Or, le revolver avait été déposé en vertu des ordres de l’autorité. Le même mois, perquisitions dans toutes les maisons, même à l’église, sous prétexte que des armes y étaient cachées. On ne découvrit rien. Néanmoins le bourgmestre fut arrêté et jugé à Florennes sous l’inculpation d’avoir excité la garde civique à tirer sur les troupes. Après audition de témoins, il fut relâché.
En Octobre, passage de troupes bavaroises (venant de Lunéville), qui pendant plusieurs jours occupent le village. 4eme arrestation du curé et du bourgmestre, qui sont considérés comme otages pendant la durée de passage des troupes et menacés d’être fusillés au moindre incident parce que les ruines des maisons incendiées attestent, selon eux, qu’il y a eu des francs-tireurs. Pour la même raison, l’église est occupée par les troupes.
L’hiver se passe dans une grande tristesse tandis que les secours s’organisent peu à peu !
Dès l’année 1915, la plupart des sinistrés se mettent à reconstruire leurs maisons. Dès le mois d’octobre 1914, les écoles et le catéchisme ont repris leurs cours ».
Rapport de J Rifflet Stave 1921 :
« Voici les renseignements concernant les événements d’août 1914 :
L’artillerie allemande bombardait les canons français postés derrière les peupliers bordant la vieille route de Biesmerée à Oret. Tout près du chemin de fer, les Allemands tiraient de Biesme et de Mettet. Les blessés furent donc évacués à Stave. 4 ou 5 morts furent inhumés sur place. On connaît le nom de l’un d’entre eux : le capitaine Contraire.
Des blessés français ont été soignés dans le presbytère (3) et dans la grange appartenant à Lucie Cognaux (25) : ces blessés appartenaient au corps d’artillerie. Plusieurs, 4 ou 5 sont morts et sont inhumés à Maison (St Gérard).
Les premières troupes allemandes du lundi 24 venant de Mettet et d’Oret se dirigèrent sur Florennes. Les secondes, mardi 14H30 venaient de Biesmerée et se dirigeaient vers Corenne et Rosée.
Un bon de régiment du 26 août 1914 est signé Hölhil, capitaine 7e comp. 71e rég.Les maisons incendiées se situent dans centre du village et tout le long du chemin par Cornelle.
Mardi les bâtiments furent incendiés de la gare, à la ferme de Mme de Blockausen, près de l’église.
Mercredi soir, brûla le reste, avec cette particularité que ce second incendie fut provoqué par des bombardements ou fusillades au moyen de balles incendiaires (témoins : Camille Thiry, Mme Vve Piette, Léon Serville).
Deux civils tués : Léon Faucille, 82 ans de Stave. François Kaiser de Spontin, 43 ans tué au bord de la route pour avoir essayé de boire à une fontaine.
Liste des tombes de soldats français sur la commune de Stave |
Photo prise en 1919 afin de remercier les Américains du Névada pour l'aide alimentaire dont bénéficièrent les enfants de Stave |