Page 3 : Récits des témoins, les exactions, les morts....

La Bataille, récit des témoins 


 

L’abbé Quinet est témoin de la bataille :

Dimanche 23, Le combat avait commencé à 4 ou 5 heures du matin.
Les Allemands arrivaient en masse du côté de Fosses et Sart-St Laurent. Les Français occupaient Bambois et les fermes des Marlagnes.
Vers 10H00 du matin, on tirait déjà à Maison et aux fermes : c’étaient des uhlans qui arrivaient en reconnaissance. 
Mais le combat surtout eu lieu à Maison entre 13 et 16H00. Je sortis de la cave où nous étions à St Gérard et me rendis compte de ce qu’il se passait : près de la ferme de Libenne, sorte de château fort construit sur un endroit élevé, il y avait des combats à la baïonnette, 70 à 80 Français y furent tués. Ils y abandonnèrent 1 canon et 25 chariots d’obus. Il y avait partout beaucoup d’Allemands tués. Eux-mêmes ont reconnu 500 tués et 500 blessés à Maison ; 2.500 blessés et tués sur la commune de St Gérard.
Des 500 blessés de Maison, 300 ont été soignés aux ambulances organisées au village-même, à savoir :
1.    Dans des maisons particulières ;
2.    À l’école ;
3.    À ‘église

Je vis que l’on tirait à la ferme de Libenne vers 16H00. Les Français durent se retirer sur toute la ligne de Maison et se replier sur St Gérard, alors des canons français, mis en batterie,  commencèrent à tirer du lieu-dit « le Bâtiment » près du château de Mme Stévenard (Chateau St Roch). Les canons donnèrent pendant 1H à 1H30. 
Les Allemands entrèrent à St Gérard entre 18H00 et 18H30 en chantant.
Dès l’entrée dans le village, ils commencèrent les incendies. Ces incendies ne sont pas le résultat de la bataille, mais volontaires et criminelles. Il y a de 26 à 30 maisons sinistrées.
Lorsque nous vîmes que l’on incendiait, nous crûrent prudents de fuir

 

Suivant un document de syntèse du chanoine Schmitz :

« Georges Gilbart, qui est resté tout le temps à St Gérard, explique que toute la plaine de St Gérard et Maison était couverte de troupes. 
Dans le courant de la journée, les français reculant devant l’avalanche des boches, établirent une batterie à la ferme du « Bâtiment » (sur la route St Gérard / Mettet). Il y avait aussi un canon français qui sur la place de St Gérard pilonnait la route de Fosses. L’après-midi, les Français battaient en retraite vers le sud-ouest. A 16H30, les derniers quittaient St Gérard. A 17H30 environ, les Allemands entraient à St Gérard hurlant et criant victoire. Ils avaient éprouvé des pertes sérieuses : d’après plusieurs témoins 3.500 blessés ou tués. Dans le parc du château Gilbart où les Français avaient établi une tranchée, on a recueilli 3  cuvelles à lessives de douilles de cartouches françaises. Peu après l’arrivée des Allemands, les incendies commencèrent. »

Les incendies à Saint-Gérard

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Graux, l’abbé Rigaux concernant le combat à Plançon près de la gare:

« L’ennemi attaqua à Bossière les lignes françaises d’avant-garde. Elles défendaient la voie de chemin de fer, le 23 août au matin. La bataille dura jusqu’après-midi, moment où les Allemands pénétrèrent dans la localité abandonnée par les Français. L’entrée de l’ennemi à Graux se fit vers 16H00.
Dans ce combat à Bossière, il y eut une vingtaine de blessés qui furent soignés au château de Mr de Thomaz où la grande salle à manger avait été transformée en ambulance.
Quelques morts seulement parmi les soldats français et allemands, enterrés dans les campagnes. A Bossière dans le bois situé à « Plançon » tomba un fils du colonel von Goltz. Une pierre placée par le père de la victime commémore l’événement.
A Graux, il n’y eut que deux ou trois soldats allemands tués et un officier français du 33e régiment, de St Ouen. Il fut ramené mourant au « Magasin », petit hameau de Graux et enterré dans le jardin de Jacquet Joseph.
A Bossière, une quinzaine de maisons furent incendiées. Les blessés français assurent que ce fut le fait des obus français, mais des maisons prirent feu seulement le lundi alors qu’il n’y avait plus de combat dans l’endroit. A Graux, une seule maison fut incendiée, celle de Mr Dewit, échevin et bourgmestre ff pendant la guerre.
Tous les habitants sauf Mr Vandersmissen père, fermier et une infirme, étaient parti fuyant l’invasion.
A Bossière, beaucoup de gens s’enfuirent. Un certain nombre resta et trouva refuge au château de Mr de Thomaz de Bossière.
Toutes les maisons abandonnées furent pillées consciencieusement. Dans les fermes de Tirtiaux à Graux, les Allemands prirent 14 chevaux et chez Degraux 7.»

 

Le sous-lieutenant Adrien de Saint-Ouen mort à Graux

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Tombe d'Adrien de Saint-Ouen. La pierre est à l'entrée du cimetière de Graux 

 

Le soir, les Allemands arrivent à Graux et bivouaquent aux alentours

 

Dans la soirée, après l’annonce de la prise de St Gérard par les Allemands, le fort de St Héribert bombarde le village : 

Un commandant belge fait prisonnier le 24 à Bioul est témoin du bombardement de St Gérard depuis le fort de St Héribert le 23 au soir :

« Je fis demi-tour et pris la route vers Arbre afin de gagner  Ermeton-sur-Biert par un détour. J’avais à peine fait quelques pas dans la direction d’Arbre que le fort St-Héribert se mit à tirer et que je vis distinctement les projectiles éclater sur St Gérard en flammes. Il faisait nuit profonde….. »

Le lendemain, lundi matin, les Allemands craignant toujours un bombardement du fort rassemblent puis enferment les habitants et le curé dans la cour du château de Mr Morimont. 
Un officier leur dit : 
« Si on tire de ce côté-là, montrant le sud-ouest, vous serez tous fusillés et nous brûlerons le reste du village ! »*
Vers 17H00, le fort de Saint Héribert n’ayant pas répondu, les prisonniers furent relâchés.  
Document pour servir l’histoire. L’invasion Allemande. Schmitz et Nieuwland P172 T3 

*: Les Allemands craignent à ce moment que les civils ne communiquent des renseignements vers les forts.

Edmond Mahy de Saint-Aubin/Florennes du 13e de ligne, tué au fort de Saint-Héribert le 23 août.

La retraite


 

L’abbé Marion :

« Vers 16H30, les derniers soldats français quittaient le village de St Gérard. Vers 5H00 ou 5H30, les Allemands y arrivaient en hurlant et en criant victoire. Aussitôt des incendies dans 25 maisons du haut du village donnaient l’impression que la terre était en feu ! »

« Au couvent de la Visitation [abbaye de Brogne] était préparée une ambulance où les blessés commencèrent à être transportés dès le lundi matin. Trente maisons furent incendiées, dont 2 châteaux et un gros magasin de bois. »

 

L’abbé Quinet :

« Dès l’entrée des Allemands dans St Gérard, les incendies commencèrent. Elles ne furent pas le résultat de la bataille mais volontaires et criminelles. Il y a de 26 à 30 maisons sinistrées.
Lorsque nous vîmes que l’on incendiait, nous eûmes la prudence de fuir. La nuit se passa dans les campagnes, puis dans les bois entre St Gérard et Denée jusque vers 23H00.
Ce fut un spectacle affreux. De tous les côtés, l’horizon brillait de l’éclat sinistre des incendies : St Gérard, Maison, Bossière, Fosses, Oret,... 
Lundi matin, quand je me rendis compte que les Allemands gagnaient Lesves, je descendis ; arrivé dans la vallée (fond de St Gérard) je trouvai des ambulanciers allemands de la Croix Rouge, qui ramassaient des blessés. C’étaient des Français. Je les confessai tous. 
On ne voyait plus de blessés allemands, ni même de tués : ils avaient jeté les cadavres dans les meules et les maisons incendiées. On y a retrouvé quantité d’ossements, de boutons et autres objets leur appartenant.
Mr le curé de St Gérard, l’abbé Marion et sa sœur, avaient pris la direction de Lesves. Dans le bois, on tira sur l’abbé : il se jeta par terre, il parvint à s’échapper.
Mr l’abbé Noël, curé de Furnaux qui était resté chez lui, fut emmené par les troupes ennemies jusqu’à Mariembourg.
Quant à Mr l’abbé Richard, curé de Denée, il fut fait prisonnier pendant que les soldats pillaient sa cave à vin. » 

Pièces métalliques clouées sur les bottes allemandes. C'est ce genre d'objet que retrouvaient les habitants dans les cendres des habitation

A Ermeton, Anne de Villermont est témoin de la retraite française :

« Voilà que soudain, les Français quittent les postes de barrages qui obstruent les rues. Voilà les autobus qui repassent à toute vitesse avec leurs soldats. Les Français s’en vont ?
C’est donc la débâcle ? Ma sœur court vers les officiers qui passent.
-Messieurs, je vous en prie, leur crie-t-elle, qu’y a-t-il ? Où allez-vous ? 
Les uns haussent les épaules, les autres font semblant de ne pas entendre, mais il suffit de les regarder : les visages fermés, les regards sombres expriment la retraite.»

« Il semble qu’à la soirée du 23, les Allemands étaient déjà arrivés de l'autre côté d'un bois proche du village, car on aperçut des Français courant le long du bois, tirant, se couchant à terre, puis courant plus loin. 
Dans la nuit, des balles tombèrent, à deux ou trois reprises, sur les toitures. Des éclaireurs allemands se présentèrent à l'entrée du village le 24 août de bonne heure et rebroussèrent aussitôt chemin. » 

Après la bataille :


Récit de de l’abbé Quinet :

« Quand je rentrai à Maison, je trouvai ce qui suit :
Le village pillé : une partie seulement des habitants étaient revenus. Ce pillage a duré 3 jours : Lundi, mardi et mercredi.
Dans les magasins, ils ont enlevé tout : dans chacun pour une somme de 4.000 à 5.000 francs.
Les estaminets ont été vidés des liqueurs et boissons ainsi que les maisons particulières dépouillées des vivres de toutes sortes comprenant, beurre, œufs, farine, vins, des linges de couvertures, parfois de la vaisselle, etc. Quel banditisme, quel intérêt de destruction ainsi. On trouvait jetées dans les campagnes des parties importantes de jambon, etc.
Cinq maisons et une grange ont été volontairement et inutilement incendiées.
Les maisons sont : Fosseur à la ferme Libenne, Vve Defoin, Glives, François Dupont, Adeline Dumont, en plus une grange.» 

Armand Piret, menuisier, 29 ans, a été pris et sans grief aucune, emmené prisonnier en Allemagne.
On affirme que sur le territoire de Maison, les Allemands ont crevé les yeux à un soldat français blessé. Les parents l’ayant appris sont venus de France et ont fait une enquête. »

Maredsous dimanche 23 :
Le baron de Waha s’est réfugié à Maredsous, il est témoin du désespoir des bléssés français qui n'ont pu être écacués : 

« Vers 17H00, il se produit un tel vacarme et l’on entend tant de cris dehors que nous sortons de notre abri, puis de l’église. L’esplanade est pleine de militaires, presque tous des Belges qui arrivent en désordre par les deux chemins débouchant de la vallée de la Molignée. Ils crient, s’appellent entre eux, et demandent où l’on peut se réfugier ou par quelles routes il faut fuir ; c’est bien la débandade, la hideuse déroute. Cependant là-haut sur le plateau, entre Denée et Foy-Marteau, on distingue encore des derniers bataillons qui tentent une dernière résistance. Que durera-t-elle ? Mais voilà que la panique envahit aussi une cinquantaine de blessés français admis antérieurement à l’ambulance de l’Abbaye ; ils se précipitent au dehors malgré les efforts des médecins pour les retenir. Ils ne veulent pas disent-ils être fusillés par les Allemands. Trouvant devant le collège quelques véhicules du pays et des charrettes ayants amenés des blessés, ils s’y entassent pèle mêle. Un groupe n’a pas pu trouver place. Chacun voudrait leur porter secours mais comment ? Ces pauvres éclopés, prient, supplient les larmes dans les yeux  qu’on leur procure un moyen d’échapper à la mort ». Alors Pauline toute remuée autorise en hâte d’aller à hôtel Emmaüs de sa part pour faire atteler sa voiture et l’amener à l’ambulance, et nous vîmes bientôt arriver au grand trot des juments, la wagonnette avec un brave moine comme cocher. Neuf blessés attendent anxieusement, ils sont sauvés : six grimpent péniblement à l’intérieur, vu leurs blessures, deux occupent le siège, le dernier le plus valide reste debout sur le marchepied et les voilà qui passent secouant leurs képis rouge, criant leurs remerciements et tendant vers tous, des mains reconnaissantes. Quant aux belles juments grises, elles avaient pour nom Trombones et Trompette : des noms prédestinés, puisqu’elles ont disparu sauvant des militaires pour ne plus jamais revenir ! »

Abbaye de Maredsous Hôtel Emmaüs à Maredsous

 

Exactions et mauvais traitements des blessés français. L’abbé Marion :

« Au couvent de la Visitation était préparée une ambulance où les blessés commencèrent à être transporté dès le lundi matin. » 
On relate que le blessé français confessé le lundi matin ne fut transporté à l’ambulance que le jeudi après-midi. Un autre blessé ne fut transporté que le vendredi alors que les Allemands avaient dès lundi transportés les leurs. 
Un blessé français qui se trouvait le lundi devant une maison fut enlevé par deux Allemands et culbuté dans l’étang du moulin de St Gérard. Il s’en retira par ses propres moyens et gagna ensuite je ne sais comment, l’abbaye de Maredsous.
La chapelle St Roch servait parfois de dépôt pour les morts de l’ambulance.
Pendant la première semaine, une nuit vers 2H30 au matin, le curé fut réveillé pour ouvrir son église aux infirmières évangéliques qui arrivaient de Berlin en automobile. Elles n’y passèrent qu’une nuit couchées sur de la paille préparée pour les blessés et s’en furent porter leur charmes ailleurs. »

Couvent de la Visitation El' Vaux, "l'Etang"

 

Avec l’arrivée du corps de la Garde Impériale, c’est tout le gratin de la noblesse allemande qui se trouve à St Gérard ces jours-là :
Suivant le réçit de témoins :

« Un capitaine qui avait mis le feu au Château de l’Argilière de Mr Georges Gilbart, a tenu devant le chauffeur de ce dernier les propos suivants : 
 J’ai visité le château de haut en bas ; c’était trop beau pour être brûlé, mais j’avais reçu des ordres que je devais exécuter ! Voici du cognac du château, en voulez-vous ? »

«Les blessés allemands à savoir le baron d’Eulenburg et le Lieutenant von Richthofen* de la Garde Impériale reçurent dans les premiers jours la visite du général, baron, von Shilling et celle du 3e fils du Kaiser (Eitel) qui était leur chef et ami.
A la décharge du lieutenant Richthofen, il m’a été dit qu’il s’est montré plus humain, il a libéré des prisonniers civils, il a donné des ordres pour arrêter les pillages. Il ne voulait parler que français ; il est vrai que sa mère était française alsacienne. »

* : Un cousin de Manfred von Richthofen, le célèbre « Baron Rouge » 

Ainsi à St Gérard, contrairement aux autres localités, il n’y aura qu’une seule victime civile à déplorer : Jules Jacquemart de 70 ans, tué dans sa cuisine probablement par une balle perdue.
Schmitz et Nuieuwland T3 P17


 http://www.erstes-garderegiment.de/Willkommen.htm

Au château de l’Argilière, les Allemands enlèvent plus de 11.000 bouteilles d’alcool. Comme à Mettet, des chariots repartent avec le contenu du pillage.

Suivant un rapport de synthèse du chanoine Schmitz :

« Il est tout cas bien établi pour Maison et St Gérard que les maisons ont été incendiées volontairement par les Allemands.
Mr Morimont et d’autres ont vu plusieurs charrettes de meubles, de caisses remplies d’objets divers, linges, garnitures de cheminées, etc., partir de St Gérard. Chez Georges Gilbart (château l’Argilière) fabricant de vinaigre et marchand de vins et liqueurs, les Allemands ont bu 2000 bouteilles de bourgogne et 2000 litres de cognac, bu et renversé 4 fût de 420 litres de Muscat, emporté 5000 bouteilles de vin et détruit la vinaigrerie. 
Ils ont aussi brûlé le château. »

Le château de l'Argilière incendié

L’histoire d’une peinture :

Monsieur Julien Gilbart, le lundi ou le mardi reçoit chez lui le directeur de l’académie de Potsdam. Celui-ci prend des croquis pour faire le panorama de la bataille de St Gérard où le Prince Eitel venait de voir le feu pour la première fois. Voici cette peinture

La gravue représentant le régiment du Prince Eitel chargeant à Saint-Gérard le 23 Août 1914 réalisée Erich R. Döbrich-Steglitz

 

Jules Petit Curé de Lesve :

Ce fut le grand passage du mardi vers 8H00, jusqu'au mercredi vers midi: Des milliers et des milliers de soldats (infanterie, cavalerie, convois de ravitaillement, artillerie) défillaient sur la route de Bois-de-Villers à St-Gérard. 

L’inhumation des morts :


Comme ailleurs, les soldats tombés lors des combats furent enterrés à la hâte dans les fosses communes, disséminées un peu partout dans les campagnes.

Plus tard, un cimetière militaire fut inauguré à Maison, vers Libenne.

Cimetière militaire de Maison-Saint-Gérard/Libenne

Cliquez pour découvrir le dossier consacré au cimetière de Maison/Libenne

Selon Schmitz et Nieuwland T3 P170, au cimetière de Maison, 209 Allemands  y furent inhumés. Mais on ne peut s’appuyer sur ce chiffre, car  il est certain qu’ils brûlèrent bon nombre de leurs cadavres. En effet dans plusieurs maisons incendiées, on retrouva des quantités d’ossements, de boutons ou d’autres objets. Dans ce même cimetière ont été enterrés 30 Belges  et 276 Français appartenant aux 33e, 48e, 127e et 136e RI, au 2e zouaves et au 15e d’artillerie. 

La recherche des disparus


Lettre de l’abbé Marion à Mg l’Evêque de Namur concernant la recherche des victimes par leurs familles. 27 janvier 1919 :

« Monseigneur,
Conformément à vos désirs et  à la demande que j’avais reçue moi-même de Mr Bellengier-Castier de Waalskappel (France), j’ai cherché partout où j’ai pu voir les traces de Gaston Bellengier, blessé en août 1914 et je n’ai rien trouvé. Les listes des différentes ambulances de St gérard, les listes de la Croix-Rouge de Namur-Jambes, les tombes du cimetière militaire de Maison-St-Gérard ne portent aucune trace de ce nom. Je crois bien qu’on ne retrouvera jamais rien parce que beaucoup de morts n’ont pas été identifiés avant d’être enterrés en 1914. Les civils chargés de cette triste besogne étaient alors sous le régime de la terreur et procédaient au plus vite. 
Au cimetière militaire édifié en 1917-1918, beaucoup de croix ne portent que ces mots : « un soldat français du 43e, du 127e ou du 33e, un tirailleur algérien, un zouave ». Il y a tout au plus une quarantaine d’inscriptions précises sur plusieurs centaines de croix.
J’ai assisté un jour à l’exhumation de certains enterrés dans un bois et j’ai parlé avec l’officier allemand qui supervisait, lequel m’a dit que plus souvent on ne retrouvait aucune pièce d’identité. Il notait pourtant soigneusement tout ce qu’il retrouvait. 
J’ai tout lieu de croire donc que Mr Bellengier se trouve parmi les nombreux inconnus de ce cimetière, car ce sont précisément les 43e et127e régiments (de Lille et du nord) qui ont été les plus éprouvés à la bataille de St Gérard.
J’ai répondu dans ce sens à Mr Bellengier. J’ai reçu plusieurs autres demandes de renseignements et une seule fois, j’ai été assez heureux de pouvoir dire « votre fils est là ! » C’est pénible de ne pouvoir pas donner aux familles cette légère consolation, mais je crois bien m’y résigner. »

 

 

Les exactions


Récit de Georges Henrotte de Saint-Gérard sur les mauvais traitements qu'il subit le 24 août : 

Accompagnés de Paul Lalieu et de Joseph Hermand, Henrotte est chargé de transporter un blessé à l’aide d’une brouette au couvent des Visitandines sous la surveillance d’Allemands très agressifs :

« L’Allemand nous fit tourner et monter la route de la Chavée. Je vois encore la triste scène, le pauvre blessé très cahoté, pleurant et geignant chaque fois que j’avais la maladresse de passer sur un caillou et notre boche nous tenant au bout du canon de son fusil et mettant en joue le malheureux Français qui se tordait de mal. Celui-ci avait une jambe et une main mal arrangées et souffrait terriblement. A voir son uniforme, il devait avoir perdu beaucoup de sang ».

« nous arrivons au Stampia au milieu d’une masse de soldats… On nous ligota… Les boches nous crachaient à la figure, nous descendions sur la gare de tram…. Quelque fois, on faisait  le simulacre d’apprêter une fusillade (et de nous passer par les armes) » 

« L’un m’arracha ma cravate et mon col, un autre me déchira ma culotte… Une gifle appliquée en pleine figure me fit venir les larmes aux yeux (…), les boches nous crachaient dans la figure. Les coups de poing et de pied tombaient drus. Ils ne me donnaient pas le temps de me relever. Les coups de pieds tombaient pire que jamais  et plus je criais, plus on tapait, je reçus même des coups de baïonnette. »  »

Rue du Stampia Gare du tram

 

Assassinat d’Isidore Degraux :

A Graux, une seule victime de guerre est à mentionnée : c’est Isidore Degraux, fermier.

Parti avec tout le monde le 23, il revint le soir dans la localité* avec Joseph Jacquet. Arrêtés par les Allemands, Jacquet s’enfuit, Isidore Degraux fut emmené par les soldats et trouva la mort dans des circonstances inconnues. On l’exhuma le 29 août d’une fosse très peu profonde où il avait été jeté près de la maison de Mr Parent à Mettet sur la route qui conduit à Furnaux. On l’enterra avec 5 allemands dans une fosse commune. La victime était ligotée. L’opinion la plus probable : il fut fusillé après avoir été lié à un poteau fait avec un piquet de pâture. On l’exhuma en octobre 17 et on l’enterra dans le cimetière de Mettet. Le corps portait 2 traces de blessures : au front et au côté gauche.  
Un soldat belge sans identification fut egallement trouvé mort, les mains liés derrière le dos, et fut enterré dans une prairie près du village.

* : Venant de Mettet, Isidore Degraux, arrive droit sur les soldats du 2e régiment des grenadiers de la Garde qui bivouaquent à cet endroit. 

Récit de l’abbé Rigaux curé de Graux :

« De la paroisse de Graux, une seule victime est à mentionner. C’est Isidore Degraux fermier. Parti avec tout le monde le 23, il revint le soir dans la localité avec Joseph Jacquet. Arrêtés par les Allemands, Jacquet s’enfuit ; Isidore Degraux fut emmené par les soldats et trouva la mort dans des circonstances mystérieuses. On l’exhuma le 29 août d’une fosse très peu profonde où il avait été mis. La victime était ligotée et le corps portait 2 traces de blessures, au front et au côté gauche. Son corps fut trouvé près de la maison de Mr Parent à Mettet sur la route qui conduit à Furnaux. On l’enterra avec cinq Allemands dans une fosse commune. L’opinion la plus probable c’est qu’il fut fusillé après avoir été lié à un poteau.
On l’exhuma en octobre 1917 et on l’enterra au cimetière de Mettet.

A Graux, un soldat belge sans identification fut trouvé mort les mains liées derrière de dos et fut enterré dans une prairie près du village.

Tombe d'Isidore Degraux dans le cimetière de Mettet

 

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