Mettet 1914: Pillages, meurtres et exactions

L'arrivée des Allemands


Lors de la bataille du 23 août, les Allemands ne tentent pas d’investir avec force le village de Mettet et restent vers le nord, à Scry.
Peu enclin à réaliser une attaque de rue et risquer de devoir affronter les Français retranchés dans chaque maison, les Allemands n’effectuent que de faibles offensives sur le nord de Mettet. Néanmoins l’artillerie restere active surtout l’après-midi. 
Les combats font rage à l’ouest de Mettet (Wagnée) et à l’est (Bossière, Maison-St Gérard). Les Allemands attendent qu’un de ces fronts soit percé pour passer par le sud et encercler la localité. En effet, début de soirée, si les Français maintiennent la ligne de front au nord d’Oret, à l’est, le front de St Gérard s’est effondré et la 19e division qui se trouve vers Furnaux doit rétrograder vers St Donat et vers Stave. Les Allemands iront harceler les Français jusque dans cette dernière localitélors de combats de nuit, obligeant même le 41e RI français à évacuer le village. » (Journal de marche du 10e corps)

Le 6e tirailleurs algériens défend Mettet :

Le 23 août, devait être pour le 6e tirailleurs le jour du premier combat. Il est soumis pendant toute a journée au tir de l’artillerie lourde allemande et bien que n’ayant exécuté qu’une contre-attaque, les pertes sont lourdes : 1 officier tué (sous-lieutenant Chancel), 3 officiers blessés, 18 hommes tués, 88 blessés, 12 disparus. 
Historique du 6e régiment de marche de tirailleurs

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6225816d/f12.image

L’abbé Donis nous informe sur les mouvements des troupes allemandes : 

•    « Dimanche 23, les Français étaient au sud de Mettet, sur la commune même et sur Oret. Les Allemands étaient à Devant-les-Bois et au-delà de Biesme entre Biesme et Gougnies ».
•    « Les Allemands étaient à Scry à 5h00, ils restèrent là aux portes du village ».
•    « Château de Scry, dimanche soir : A l’approche des Prussiens, les pauvres blessés français de l’ambulance étaient pris d’un affolement incroyable. Bientôt retentirent les hurlements bestiaux : Voici les Allemands, ils descendent en dessous du château en se faufilant ». 
•    « Lundi matin, les Allemands arrivèrent à Mettet ».

Dimanche soir, ce premier contact bien mal engagé au château de Scry, aurait pu finir en drame : les envahisseurs s’apprêtant à commettre des atrocités. 

Château de Scry

 

Récit de l’abbé Donis curé de Mettet, concernant les événements d’août 1914 :


Samedi soir à Mettet, logèrent chez moi dix officiers, dont le colonel. Vers minuit, les derniers habitants partaient. On fuyait comme on ne l’aurait pas fait devant l’arrivée de sauvages. Personne n’ignorait leurs exploits et je devais bientôt les éprouver moi-même.
Le colonel qui m’avait demandé à pouvoir se reposer sur un fauteuil parti vers 1H00.
Dimanche repassèrent de bonne heure, les derniers fantassins. Ils étaient à peine sortis du village que la canonnade commença. Elle dura de 8H30 à 17H00. Les Français étaient au sud de Mettet et sur Oret. 
Les Allemands étaient à Devant-les-Bois et au-delà de Biesme entre Biesme et Gougnies.
Comme le samedi, à l’ambulance située au château de Scry, tout le monde avait fui, même le médecin, Aussi comprenant que mon devoir était de ne pas abandonner les pauvres blessés, je m’y rendis ce dimanche à 8H00 du matin où j’y trouvais seulement le vicaire de Pontaury, une religieuse et deux ou trois hommes
Les Allemands étaient à Scry le dimanche vers 5H00 et restèrent là, aux portes du village.
Néanmoins, dimanche soir, à l’approche des Prussiens, les pauvres blessés français de l’ambulance étaient pris d’un affolement incroyable. J’avais beau les rassurer, ils avaient une peur des Allemands…Un blessé grave se traîne de l’étage à la cave pour avoir notre compagnie.
Bientôt retentirent les hurlements bestiaux : Voici les Allemands ! Ils descendent en dessous du château en se faufilant. Je dis à mes compagnons qu’il ne s’agit pas de se cacher ni de les craindre. Malheureusement, nous n’avions pas de brassard et le drapeau de la croix rouge se trouvait de l’autre côté du château, dans la rue. Je me présente à la porte principale, les autres suivent très timidement. Les soldats se précipitent, ils m’empoignent par le col en me criant : VOUS SEREZ FUSILLE DANS LA PELOUSE ! 
Je réponds tandis que l’on m’emmène brutalement  « Je voudrais bien savoir pourquoi je serais fusillé ? » mais ils ne veulent rien entendre. Ils nous saisissent et nous traîne dans la prairie. Une petite demoiselle est arrachée aux bras d’une religieuse et emmenée plus morte que vivante….
Je m’avance avec hardiesse : - N’y a-t-il personne parmi vous qui sache parler le français ? 
L’un d’eux se détache. Je lui dis : «Je voudrais bien savoir pourquoi on parle de nous fusiller ? Nous sommes ici dans un château qui a été mis à la disposition du service des blessés, vous n’avez ici rien à craindre ! »
Certains ne veulent rien entendre et persévèrent dans leurs menaces.
Soudain, il tombe quelques obus : tous ces hardis guerriers n’attendent pas leur compte et détalent ! Nous sommes sauvés ! »
Après ce mauvais premier contact, des brassards sont cousus sur les manches et des drapeaux de la croix rouge sont installés prestement. Le deuxième contact avec les Allemands, le lundi se fait plus calmement,
l’un des soldats qui arriva ce soir-là, un grand diable immense, sorte de caporal, d’ailleurs assez aimable, me dit avec sérénité : « Nous venons de Tamines, j’ai moi-même ordonné de fusiller 250 hommes parce qu’on avait tiré sur nous ». Il visita les blessés français, leur donna la main. De crainte d’effrayer ces malades, il me fit porter son fusil. Il prit une tasse de café, me demanda combien c’était et mis sur la table 2 marks.

C’est lundi matin que les Allemands arrivèrent à Mettet. Leurs principaux méfaits dans le village sont : 1 fusillé (Alphonse Degraux), 10 maisons incendiées et un pillage indescriptible.
Les incendies remontent au mardi. Lundi, le jour de l’arrivée des Allemands, il n’y eu rien sinon le commencement de pillage.
Mardi matin, il n’y avait encore aucun incendie mais cela a commencé par après. A midi le magasin Attout était presque consumé et la maison de la pharmacie Chauveaux était en feu.

Magasin "Attout" à côté de la pharmacie Chauveaux Pharmacie Chauveaux avant 1914, face au presbytère

L’église a été respectée, sauf qu’elle servi de refuge à 3 ou 400 soldats belges prisonniers à Bioul.
Le presbytère a été tout pillé (…). Le village fut pillé de fond en comble : tous les vins, vivres, mais aussi des magasins entiers remplis de marchandises, toutes les toiles et les tissus furent la proie des vandales. Chez le pharmacien Chauveaux, les officiers eux-mêmes se servaient dans les tiroirs avant de faire brûler la maison.
Il y avait des ambulances au château de Scry, chez les sœurs françaises, au château de Thozée, et en d’autres endroits encore ». 
Et puis le champ de bataille !
C’était épouvantable ! Une quantité de pauvres blessés français restaient sans soin. Je m’y rendis lundi c’était effrayant. Du côté d’Oret, j’en rencontrais partout et personne, absolument personne ne s’en occupait. Je confessais, j’administrais, Je crus pouvoir baptiser des turcos… Les sœurs qui m’accompagnaient donnaient à boire et à manger.
Lundi soir, je me trouvais au coin du bois. Je rencontrai deux officiers français et des tirailleurs, gravement blessés, ils me supplièrent d’une manière touchante de ne pas les abandonner. Je leur fis comprendre que dépourvu de tout, je ne pouvais pas les emporter, mais je leur promis que le lendemain, quoi qu’il arrive, je leur porterais secours. Je leur laissai une bouteille d’eau, du pain et je leur arrangeai un petit lit avec de la paille.
J’eus à ce moment une véritable vision d’enfer, jamais on ne vit un spectacle d’horreur pareil ! : Biesme était tout en feu et Oret commençait à s’embraser. Du côté de St Gérard, l’horizon était tout rouge du reflet des incendies. J’entendais de partout des gémissements de blessé : on trébuchait d’ailleurs à tout instant dans des cadavres d’hommes et de chevaux et dans le village, j’entendais des hurlements de bêtes fauves et de démons : les Allemands qui saccageaient, brisaient, détruisaient avec une rage infernale.

Lundi soir après la visite au champ de bataille, je me rendis à l’ambulance du docteur Nicaise. J’y fus reçu par les Allemands avec ces paroles « vous resterez là et lorsque l’on aura besoin de vous, vous serez appelé ». Je vais près du major, il me regarde cruellement, je lui dis
 « Major, je viens de visiter le champ de bataille. Il y reste quantité de blessés ».
« Monsieur, interrompt-il, de quel droit vous êtes-vous rendu sur le champ de bataille ? Oubliez-vous que les morts et les blessés nous appartiennent ?».
« Major, ajoutai-je, je ne vous les dispute pas mais j’ai cru que le sentiment de l’humanité et de mon devoir m’imposait de ne pas laisser sans soins tous les blessés, même des officiers qui sont répandus à travers le bois. Or je n’ai ni cheval ni voiture, je viens vous demander de me mettre à même de les recueillir et de vous les amener ».
« Un moment répond-il ».
Comme la réponse ne venait pas, j’insistais. Je vis que je me heurtais à une intentionnelle mauvaise volonté et que je devais aviser.
Le mardi matin, je trouvai une charrette à bras, je fis appel à quelques hommes. Comme je fus reçu par les pauvres blessés ! Je les ramenai. Ils furent opérés par les Allemands et je le dis volontiers, soignés correctement par eux. Ils furent ensuite dirigés sur l’Allemagne.
A l’ambulance, les Allemands se comportèrent en maîtres absolus. Le Dr Nicaise étant absent, je rempli en quelques sorte la mission de responsable de l’ambulance et fut en rapport quotidien avec eux. Rien ne m’a été plus pénible : à tout moment, il me faisait appeler et cherchaient visiblement à m’agacer à propos de toutes sortes d’incidents.
Le major me reprocha que mes blessés étaient mal soignés. Je protestai, fis valoir que si les médicaments n’étaient pas à l’ambulance, ils étaient à la pharmacie. 
On arriva à parler de la pharmacie Chauveaux, brûlée, dis-je par leurs soldats. « On avait, prétend-il, tiré sur nos soldats, de la pharmacie». Je répondis que c’était impossible, qu’elle était évacuée depuis samedi soir  et que dans le village, il n’y avait plus personne. « Et cependant, dit-il, nous trouvions à tout instant dans les blessés, des plombs de fusil de chasse ». C’était manifestement faux, mais je répondis : «s' il y en a, ce n’est certainement pas de Mettet. D’ici on n’a pas tiré sur vous et on ne tirera pas. Toutes les armes ont d’ailleurs été enlevées et vos soldats les ont brisées ». Il tourna sur ses talons et disparut en grommelant.

Abbé Donis curé de Mettet, 04 mars 1915. 

Faire-part mortuaire de l'Abbé Donis décédé à l'âge de 45 ans Son attitude exemplaire voire héroïque en 1914 y est soulignée.

 

Cliquez pour découvrir le diaporama des maisons incendiées à Mettet

 

Le pharmacien Berlier, décrit l’arrivée des Allemands à Mettet et les scènes de pillage qui s’en suivi (A.Ev.N) :

Le lendemain 24 août au point du jour, nouvelle canonnade, c’était les Allemands qui arrosaient le terrain. Bientôt, je les vis arriver, c’étaient tous des grands hommes s’avançant en bon ordre, très vite et ne s’arrêtèrent pas. Par tous les petits chemins, ils se dirigeaient vers les lieux du combat de la veille. Bientôt la cavalerie passa au trop se dirigeant sur Florennes. Puis des canons, caissons, batteries de cuisine ; parfois sur deux rangs. Parfois un arrêt alors les soldats sautaient des chevaux et entraient dans les maisons, mais ils visaient surtout les pâtisseries et magasins. Ils en sortaient avec pains, liqueurs et faisaient part à leurs camarades, et au coup de sifflet sautaient sur leurs chevaux. Cela dura plusieurs heures. 
Dans l’après-midi, le gros de la troupe fit son entrée au son des tambours et des fifres. Ils formaient les faisceaux de fusils sur la place. Je fus aussitôt conduit au milieu d’eux. Je remarquais alors comme ils étaient bien équipés, on aurait dit des soldats sortant de la caserne pour une revue. Ils me demandèrent : Françouzes partis ? Probablement  répondis-je. Me montrant l’église, ils me demandèrent « église évangélique ? » Non catholique romaine.
Alors ils m’ordonnèrent de les conduire dans une boucherie. Arrivé là, la maison était remplie de soldats qui croyant voir arriver le patron, manifestaient leur joie en venant casser la vaisselle à mes pieds. Rentré chez moi, je trouvai ma maison envahie de la cave au grenier, tout en dessus et dessous. Je me tins dans la pharmacie. Quelques-uns vinrent me demander différents objets mais oublièrent de payer puis en arrivèrent d’autres qui ne me demandèrent plus rien mais prirent à leur guise. Ils demandaient sans cesse « chocolade » et finirent par trouver des pastilles purgatives au chocolat qu’ils engloutirent goulûment. 

Pharmacie Berlier sur la place de Mettet en 1918. Actuellement brasseriParadis. Soldats allemands lors des pillages. L'un d'entre eux s'est costumé en femme! 

Un médecin de la garde assez âgé vint me demander différents renseignements : il avait plutôt l’air de m’interroger pour vérifier si j’étais bien pharmacien. Finalement il me fit un bon pour un rouleau d’emplâtre. Etant sorti dehors, un soldat vint me parler, il dit qu’il était étudiant à l’université, que le pillage d’une ville était triste mais que l’on devait bien donner cela aux soldats après un combat ! d’ailleurs que les habitants étaient partis et qu’ils pouvaient prendre tout ce qu’ils voulaient. Il me conseilla de rester chez moi et de ne pas m’aventurer dehors. Il me nomma alors plusieurs officiers qui passaient montés sur de superbes chevaux : je me rappelle du prince de Hesse. Etant rentré chez moi, un sous-officier me demanda si je n’avais pas d’arme. Ayant affirmé que non, il me conduisit près d’un meuble et l’ayant ouvert, me montra mon revolver. Il le mit en poche et me dit de me taire car si le chef le savait, je n’en aurai pas pour longtemps.
Dans l’après-midi était arrivé un assez grand nombre de prisonniers belges couvert de poussière et délabrés qui furent enfermés dans l’église. 
Deux femmes allemandes arrivèrent avec une voiture de bagages pour le général et préparèrent le repas qui fut servi au 1er par des soldats en tabliers blancs. Ils avaient ordonné aux soldats d’apporter tout le champagne qu’ils trouveraient. On entendait les portes des maisons que les soldats enfonçaient, les vitres voler en éclats. Vers le soir, ils étaient tous ivres, beaucoup se costumèrent en femmes et se promenaient avec des lanternes vénitiennes. 
Je fus autorisé à dormir dans mon bureau sur le parquet. Toutes les autres pièces étaient occupées par les soldats.
Le lendemain matin (25), je me mis en route pour Biesme. Je voyais des soldats partout : il y avait de grandes tentes qui étaient toutes remplies de soldats. Je pus arriver jusqu’aux premières maisons sans être arrêté mais tout à coup, je fus appréhendé par quelques soldats qui achevaient de brûler ce qui n’avait pas été consumé par le feu. Je leur montre le bon que le médecin de la garde m’avait donné et je leur dis que j’allais voir mes parents. Ils me donnèrent 20 minutes pour y aller. Je trouvai mes parents dans la désolation, la maison avait été épargnée mais mon pauvre frère avait été emmené depuis hier et ils étaient sans nouvelles. Je ne pouvais pas savoir quel avait été son malheureux sort. Conduit avec les troupes à Oret, ils l’avaient assassiné près de la chapelle Saint Hubert sur la route de Fraire, avec un jeune homme appelé Bodart. 
Retournant à Mettet, quelqu’un me dit que ma maison brûlait. Cela me laissa complétement indifférent : après tout ce que je venais de voir !
Etant rentré, je vis que ce n’était pas ma maison qui était en flammes mais celle du confrère (pharmacie Chauveaux). Un officier m’avait demandé le matin si ma maison m’appartenait et j’avais remarqué qu’il notait dans un carnet le numéro de maison.
L’après-midi, un sergent et quelques hommes allaient de maison en maison ramassant les rares habitants qui s’y trouvaient et les conduisaient à l’école. Etant venus chez moi, ils me dirent de me tenir caché parce qu’ils ne savaient pas ce qu’on allait faire des habitants. Ayant été obligé de sortir pour rendre service à quelques personnes, je fus appréhendé et conduit devant le chef. Il poussait des sons rauques et était armé d’une badine menaçante. Pensant passer la nuit dehors, j’étais revêtu d’un gros pardessus or il faisait très chaud, c’était ce qui l’intriguait et j’avais très difficile à lui donner des explications. M’empoignant pas le bras, il me poussa dehors en disant «es mit all brennt» « qu’il brûle avec les autres ».

A droite de l'église, l'école où furent enfermés les habitants de Mettet en 1914

Je fus enfermé alors dans l’école où se trouvaient de nombreux concitoyens incertains de leur sort. A côté brûlaient des maisons, il y faisait très chaud, alors des soldats qui nous gardaient brisèrent quelques vitres. Puis le général arriva avec un interprète belge qui me dit que nous étions otages et que si un soldat venait à périr, nous serions tous fusillés. Puis il revint encore, fit sortir les femmes et disant que nous passerions la nuit ici, que c’était les civils qui mettaient le feu aux maisons et que si les maisons brûlaient encore, nous y passerions. Quelques temps après, nous avons pu sortir. 

Il passait encore des troupes, c’était quelque chose de colossal !
Aussi loin que l’on pouvait voir, ce n’étaient que des piques des casques à pointe 
et des baïonnettes au canon des fusils. 
Les soldats marchaient dans un ordre admirable en chantant « la Garde du Rhin ».
(Cliquez pour entendre la Garde du Rhin)
Cela représentait quelque chose de terriblement impressionnant et je me disais : 
« Quelle force pourrait jamais arrêter une armée pareille ? »
Les jours suivants, il passa de nouvelles troupes qui continuèrent les pillages et ramassèrent ce que les autres n’avaient pas pris. Puis passèrent également de grosses pièces d’artillerie traînées par des tracteurs (soldats autrichiens).

Tracteur d'artillerie allemand "Lanz" à deux roues motrices 

Mettet, maisons incendiées (liste non exaustive) suivant un document conservé aux archives de l'Evêché de Namur:

Pharmacien Chauveaux avant août 1914

Ferme d'Oretmont, près d'Oret (Mr van Delft) La maison + 1 grange et 6 écuries

Au Trinoy: La maison de Pierre Joseph Thibaut (en 3 habitation) + grange et écurie

Estroit: La maison Emile Lebrun + grange et écurie
La maison de Gustave Parmentier

A Mettet centre: Les grands magasins Lucien Attout, 25 mètres de façade, plus de 100.000 (?) francs de marchandises
et la maison du coupeur à Côté

La grande pharmacie Chauveaux avec se dépendances (entièrement).

La maison Emma Delaute
La maison Arthur Wilmot avec remise appartenant à Francotte.
La maison de l'abbé Barbier habitée par Arthur Bodart
La Maison Jules Crepin
La Maison Xavier Crepin

 

 

Rapport du curé Stiénon, de Mettet du 29 août 1919 (A.Ev.N)

Les incendies : 
Il n’est pas possible de préciser qui doit être tenu responsable. Certaines maisons ont été incendiées volontairement, d’autres l’ont été malgré les efforts de quelques soldats qui ont cherché à arrêter les progrès du feu.
Meurtre de deux civils :
Le 26 août,
Alphonse Degraux, cultivateur, fut assassiné vers 6h00 du soir, sur le chemin, à  quelques mètres de sa maison. Un soldat l’a tué de quatre coups de revolver : un ou plusieurs coups ont été tirés lorsque celui-ci était déjà tombé. Degraux était accompagnée de sa femme. Celle-ci ne fut pas atteinte. Elle fut cependant menacée par le soldat à cause des cris qu’elle poussait en voyant l’attentat dont son mari était victime. 
Les voisins dirent que les compagnons de l’assassin ont reproché à celui-ci son crime. Le soir même ces soldats ont quitté Mettet. L’assassin devait appartenir au 82e d’infanterie (…)
Isidore Degraux, cultivateur à Graux, à été arrêté sur le territoire de Mettet où il a été tué. Il a été enterré avec cinq soldats allemands. Exhumé en 18, on n’a aucun détail sur sa mort.

Tombe de Isidore Degraux au cimetière de Mettet

Alphonse Degraux et son épouse Marie Fauville à l'Estroit

Cliquez pour découvrir sa fiche personnage

Eurode Degraux fils de Alphonse Degraux

Cliquez pour découvrir sa fiche personnage

Eudore fut torturé par les Allemands à coups de schlague, de coups de pied et de coups de crosse de fusil

Récit de Mr Baudelet de Mettet daté du 16/08/1920 (A.Ev.N)

Arrivée des Allemands le lundi 24 août 1914 :
Un officier m’oblige à partir avec lui et notre voiture pour prendre deux blessés à St Donat Mettet. Il était à cheval et continuellement frappait le mien à tour de bras, ce qui me fit déjà comprendre que nous avions à faire à une bande de sauvages !
Rentré à Mettet malgré mes supplications pour me rendre sur le champ de bataille à Oret, il m’oblige à lui être otage, pour parcourir le village, entrer dans les maisons, chercher des vivres qu’il me faisait goûter avant de les prendre, de crainte qu’elles ne soient empoisonnées. Il me faisait entrer dans les chambres, les caves et me suivait revolver à la main. 
Quelle journée d’horreur ! Des soldats brisaient les fenêtres, d’autres les portes à coups de hache. Ils transportaient des marchandises d’une maison à l’autre, les jetaient par terre pour les piétiner ou les lançaient par les fenêtres. Des femmes allemandes chargeaient des étoffes sur des camions. Les soldats devenaient ivres et toujours de plus en plus sauvages.
Je rentre à 8H00 du soir, obligé de soigner 35 blessés dans la salle de Lamerche (?). Il s’y trouvait un petit Breton blessé aux deux bras et dont les Allemands refusaient de donner des soins. Nous l’avons soigné le mieux possible. Le jeudi soir, un officier vient transporter des fusils et en déposer un sur le lit de chaque malade. Je me demandais si nous n’allions pas passer un mauvais quart d’heure. 
Le vendredi matin, ils reprennent leurs blessés pour les conduire au lazaret à Scry, toujours en abandonnant le Breton que nous transportons au couvent des sœurs françaises où d’autres blessés français y sont soignés.

Couvent des soeurs françaises. Actuellement l'administration communale

​Cliquez pour découvrir les hôpitaux à Mettet en 1914

Revenant sur le lundi soir vers 11H00, moment le plus triste : ce qu’il me reste comme souvenir, c’est de voir régner le calme, à part quelques soldats de garde ivres et qui venaient nous menacer de leurs fusils, il y avait de la lumière à toutes les fenêtres, les pianos et les instruments de musiques résonnaient partout, les orgues de l’église ronflaient pendant que les blessés agonisaient et que d’autres gémissaient de leurs souffrances.
Le mardi matin, ils ont mis le feu au magasin Attout, la pharmacie Chavaux, etc… Ils étaient décidés à incendier tous le village. Heureusement, ils ont cessé à cause des blessés.
Le mardi également, ils avaient placés près de la fontaine St Job, une statue de la vierge couverte d’un voile et coiffée d’un chapeau de paille. Des fusils étaient en faisceaux autours d’elle. Les soldats venaient lui faire des grimaces et l’embrasser. Ils faisaient semblant de tirer avec leurs armes. Enfin pour finir, ils l’a démolirent à coup de fusil.
Un grand nombre de soldats belges prisonniers dans l’église venaient se ranger sur le seuil de la porte. On leur refusait de l’eau pour se désaltérer. Pour se moquer d’eux, les boches jouaient de l’accordéon et se promenant le long de la colonne avec des parapluies. Les prisonniers partirent mercredi matin en direction de Fosses. A ce moment malgré les menaces des Boches, nous leur avons apporté à boire.
Exactions sur les prisonniers :
J’ai vu un officier belge que l’on obligeait à coup de crosses de fusils à tirer un canon. Un malheureux était conduit par un Boche avec une corde à la jambe. A chaque pas, ils lui donnaient des coups de bâton et parfois le tirait pour l'étendre par terre.

Les Allemands à la gare de Scy lors de l'occupation Mettet pendant l'occupation : soldats allemands devant un sapin de noël

Un témoignage d’un soldat belge emprisonné dans l’église de Mettet, nous éclaire sur les événements qui s’y déroulent :

Récit d’un prisonnier belge emprisonné dans l’église de Mettet. Ce soldat en poste à Namur, doit battre en retraite par Bioul et est ensuite fait prisonnier à Florennes le lundi 24 août. A la nuit tombante, lui et ses camarades sont dirigés vers Mettet.
On nous conduisit alors en un endroit où étaient réunis des zouaves et des Sénégalais (Algériens), on nous plaça en colonne et nous fûmes dirigés sur Mettet. La nuit tombait et notre chemin était éclairé par des fermes qui brûlaient. A la sortie de Florennes, nous vîmes assez bien de cadavres de tirailleurs africains tombés par paquets de 5 ou 6, j’ai su plus tard qu’ils avaient chargés à la baïonnette sur des batteries allemandes mais ce geste héroïque n’avait pu s’accomplir en entier. Les sentinelles qui nous encadraient, nous montraient en riant, les corps de nos camarades morts.
Pendant notre trajet de Florennes à Mettet, nous ne vîmes que des troupes allemandes se dirigeant vers la France : canons, camions, autos, etc… Ces troupes passèrent encore de la nuit et le lendemain suivant (du 25).
Arrivés à Mettet, nous fûmes parqués dans une prairie clôturée de fil de fer, où nous pûmes enfin dormir, ce que nous fîmes aussitôt tellement nous étions fatigués. 
Le lendemain vers 5H00 du matin, on nous fit lever puis transporter dans l’église du village.

L'intérieur de l'église de Mettet. Endroit où furent entassés les soldats prisonniers 

Entassé donc, dans l’église en compagnie de soldats français, nous y passâmes toute la journée ainsi que la nuit du 25 au 26. Les hommes étaient couchés à même sur les marches de l’autel. On avait brisé les carreaux pour avoir de l’air, l’atmosphère était suffocante.
Pendant la journée du 25, des soldats allemands vinrent jeter au milieu de nous quelques pains noirs et apportèrent quelques seaux d’eau. Beaucoup ne purent obtenir un morceau de pain et restèrent sans manger.
Vers 7H00, on nous fit sortir et on nous attela aux canons pris aux Français, et sous les coups de bottes et de fouets des soldats boches dont plusieurs parlaient le français à la perfection et avec un accent parisien prononcé, ils nous disaient : « tirez tas de chiens et d’autres injures».
Nous fûmes dirigés sur Gembloux où nous arrivâmes vers 9H00 du soir sous une pluie battante.
En sortant de l’église de Mettet, nous vîmes, ligoté comme un saucisson, un homme vêtu d’une veste de soldat belge et d’un shako. Cet homme fut mis dans la colonne avec nous mais semblait avoir perdu la raison et voulait sans cesse sortir des rangs pour parler au commandant, disant en wallon : « je n’ai rien fait laissez-moi partir ». Les sentinelles le piquaient avec leurs baïonnettes afin de lui faire reprendre sa place dans la colonne. Lors d’une halte avant Fosses, on banda les yeux de ce pauvre bougre et on le fit marcher dans les campagnes pendant que deux soldats lui tiraient dans le dos.

Soldat V Falque 18 mars 1922.

 

Pontaury 
Réçit de l’abbé Joseph Lemaire, chapelain de Pontaury 1 mai 1919.

On se contenta de brûler quelques maisons de Mettet le mardi 25, entre autres le magasin Attout et la pharmacie Chauveaux, et de faire quelques prisonniers. 
Ceux–ci furent rendus à la liberté sauf Pierre Gillot, un septuagénaire de Pontaury très boiteux et Mr Massinon de Mettet, octogénaire qui furent traînés d’étape en étape jusqu'à Gembloux et de là, emmenés en Allemagne.
Pierre Gilot revint après trois mois mais son compagnon d’infortune y mourut malheureusement !
En résumé donc, le dimanche 23, Pontaury avait échappé aux violences de l’ennemi tenu en haleine par l’âpreté des combats. Mais hélas ! le mardi soir déjà, et le mercredi matin, des troupes qui s’échelonnaient derrière les avants gardes allemandes y arrivèrent en grand nombre. Elles y cantonnèrent un jour. C’était plus qu’il n’en fallait pour tout retourner et le pillage fut complet. Les brigands osèrent même enlever chez moi un calice et un ostensoir caché dans la cave, malgré des avis en allemands placés sur toutes les portes extérieures de ma demeure et signé par un militaire allemand, donnant connaissance aux troupe que je soignais des blessés allemands à l’ambulance de Scry et demandant que l’on respectât ma maison. Précisément je rentrais lorsque le pillage éhonté de ma maison prenait fin ». 
Chez le vicaire à Mettet, ils volèrent une étole pour en habiller une statue de madone qu’ils placèrent sur un fumier voisin et qui excitait les sarcasmes et les bouffonneries de ces « Gott mit Uns » prussiens. 
Après cette malheureuse journée du mercredi 26 août, Pontaury n’hébergea plus de soldats boches  sinon à partir de juin 1918.
Quant aux habitants, ils revinrent petit à petit. Les uns après quelques jours d’absence, les autres après plusieurs semaines. Une centaine même, demeurèrent en France jusqu’après l’armistice.
Il ne se passa plus rien d’anormal sauf la réquisition des hommes en novembre 1916
Les écoles tenues par les religieuses de la Providence, vécurent aux conditions habituelles. Les enfants bénéficièrent largement de l’œuvre de la soupe scolaire. Les nécessiteux eurent aussi la soupe et furent l’objet des comités d’assistance. Les familles des déportés ne furent point oubliées non plus, et avec raison, car qui dira les privations, les souffrances et le martyr imposés à tant de familles par le fait de la réquisition des hommes, par la barbarie allemande !
Récit du chapelain de Pontaury 
Pour la section de Pontaury seulement, il y eut 33 de ces malheureux enlevés brutalement à la réquisition de Fosses le 25 novembre 1916.
Quatre d’entre eux furent dirigés sur Marchienne, dans des ateliers boches et les vingt-neuf autres sur l’Allemagne esclavagiste. Hélas, que de désespoir : Vital Moreau, marié, fut la première victime. Il mourut à Cassel le 14 décembre 1916 à l’âge de 39 ans. Puis ce fut le tour de son coussin, Adolphe Lelong, célibataire, âgé de 41 ans mort le 09 février 1917 également à Cassel. Jules Bodson, âgé de 42 ans, marié et père de trois enfants, ne devait plus revenir non plus. C’est dans le cimetière du camp de Cassel aussi qu’il repose depuis le 11 mars 1917. Enfin il y eut une quatrième victime : un petit jeune homme de 18 ans, Joseph Soyeur. Il eut une fin très malheureuse : séparé de ses deux frères, déportés comme lui, il n’eut pas même la consolation de leur dire adieu. Son martyre prit fin le 11 avril 1917 à Hambourg.
A côté des déportations, qu’était-ce que les amendes, les perquisitions, les réquisitions matérielles et autres exactions de l’ennemi ?
D’ailleurs à l’unisson, nos vaillants soldats s’apprêtaient  à lui faire rendre gorge.
Voici la liste de ces héros de notre village :
Xavier Lorent, Arthur Jeannin : prisonniers en Allemagne.
Georges André, Eudore Pierard : Blessés.
Jules Panier, Adhémar Wilmot, Maurice Dardenne, Camille Lorent, Aimé Bodart, Oscar Jeannin, Vincent Denys, Jules Wiame, Antoine Preumont, Arthur Cobut et Victor Quinet.
Tous les quinze, Dieu en soit béni et remercié sont revenus pleins de santé et de mérite.
Aussi avec quelle joie avons-nous vu, ces tristes vaincus, ayant tout perdu, même l’honneur, évacuer notre glorieuse Belgique. Leur morgue de 1914, celle des officiers surtout avait perdu de sa superbe. Était-ce l’effet magique du drapeau rouge qui surplombait les batteries allemandes vers le retour pour Berlin ? Était-ce de la prudence devant ces conseils de soldats qui se formaient ici et là ? Toujours est-il que nos paysans ne se montraient plus guerre disposés à voir piller leurs granges et à subir leurs goujateries et autres exactions.
Quand les derniers eurent disparut, on se trouva tout étrange : était-ce un rêve ? Non c’était la réalité : nous étions enfin libres !

Le 19 novembre, les alliés arrivaient plein de gloire et de majesté. Notre population se porta au-devant d’eux, les acclama, leur fit l’accueil des plus chaleureux : c’était à qui les hébergerait.

Puis nos vaillants soldats regagnèrent petit à petit leur foyer après quatre ans et demi d’absence et de glorieux périls.
Après bien des semaines d’attentes, nos deux prisonniers revirent eux aussi, et puis enfin nos habitants qui avaient émigrés.

 

Joseph Lemaire, chapelain de Pontaury 1 mai 1919.

"Honneur à nos vaillants libérateurs" ont écrit les djobins sur l'arche de la victoire.

19 novembre 1918: jour d’allégresse: les Anglais font leur entrée à Mettet, occupé durant quatre ans par les Allemands.  

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