L'abbé Louis Berlier

L'abbé Louis Berlier de Biesme, 23 ans. Fusillé par les Allemands le 24 août 1914 à Oret.

Son père était secrétaire communal pendant la guerre et son frère était pharmacien à Mettet.

Assassinat de l’abbé Berlier et de Camille Bodart  à Oret 


L’abbé Berlier et Camille Bodart de Leroux sont retrouvés abattus à Oret sur la route de Florennes.
Louis Berlier de Biesme arrêté à Biesme fut accusé d’actes graves parce sur un toit, il essayait d’éteindre l’incendie qui commençait à ravager la maison familiale après le bombardement français. Est-ce le fait qu'il soit sur un toit et soupçonné d'espionnage en observant l'ennemi, ou est-ce un faux prétexte pour utiliser ces deux malheureux comme bouclier humain devant ces soldats devant se rendre à Oret? La zone grouillant d'ennemis isolés, il est en effet possible d’être la proie d’un soldat français embusqué. 

Toujours est-il qu'ils emmenent l'abbé Berlier et Camille Bodart en direction d'Oret. . 
Les soldats suivent leurs troupes d'avant garde qui la veille ont prit le village d'Oret et ont bivouaqué le soir à Fraire. Arrivés à nord Oret, sur la route de Fraire, au carrefour de la route de Florennes, Les soldats de la 3e compagnie du 92e régiment de Brunswick fusillèrent leurs 2 prisonniers devenus inutiles et encombrants. Louis Berlier porte sa soutane.  Les soldats allemands sont protestants, ainsi, baignés par la propagande, Ils haïssent les prêtres, car ils sont persuadés que ceux-ci sont les chefs de bandes de francs-tireurs.  

Témoignage du pharmacien Berlier, frère de la victime :

« Ayant été conduit avec les troupes [allemandes] à Oret, ils l’avaient assassiné près de la chapelle Saint-Hubert  sur la route de Fraire avec un jeune homme appelé Bodart »

 

Maison de la famille Berlier en 1914 (à gauche avec la barrière)

 

Rapport de la mère de Louis Berlier.

Au début des hostilités, mon fils avait l'intention de s'engager comme ambulancier, et déjà il avait fait la demande officielle, lorsque Mme Toussaint le pria de prendre la direction de l'ambulance établie au château. Il accepta. 

Dès le samedi 22 août, il eut fort à faire, car les blessés arrivaient nombreux, mais ils furent bientôt évacués dans la direction de Florennes. Le samedi soir, alors que toute la population prenait la fuite et Mme Toussaint elle-même, mon fils crut de son devoir de rester pour s'occuper de l'ambulance et malgré mes insistances, il ne voulut pas partir.

Toute la journée du dimanche, nous sommes restés blottis dans les caves pour éviter les obus qui tombaient sur le village. Vers le soir, mon fils sortit pour éteindre un incendie allumé chez Baugnée et qui, de là, s'était communiqué à la maison de ma belle-soeur.

Le lundi, de grand matin, je vis des Allemands qui accompagnaient trois zouaves blessés. Mon fils leur indiqua le chemin de l'ambulance établie au château.
Ce premier contact avec l'ennemi m'enleva certaines appréhensions, dont je ne pouvais me défendre, et me rassura un tant soit peu. 
« Ne craignez rien, maman, me disait à tout propos Louis, ce sont des gens civilisés ! »
Après le départ de ces soldats, mon fils, aidé d'un de ses compagnons, Camille Bodart, de Le Roux, remonta sur le toit pour continuer à éteindre l'incendie.
A peine était-il parti, que je vis se diriger vers moi de véritables démons, qui m'abordèrent en hurlant : « Vous cachez des Français ! » Sans que j'eusse le temps de leur répondre, ils se jetèrent sur moi et me lancèrent contre la porte. Je m'affaissai au milieu du corridor. Alors je leur dis : « Que me voulez-vous donc? »
Ils crièrent : « Franzous cachés ! » Je protestai et les engageai à faire le tour de la maison, et à monter à l'étage. Ils me firent marcher devant eux et, à maintes reprises, me poussèrent à coups de crosse de fusil. Plusieurs fois je tombai par terre. A la cave, ils trouvèrent des matelas, des paniers de vêtements que nous y avions descendus. Ils se mirent à les trouer de leurs baïonnettes, avec fureur, comme s'ils avaient renfermé des Français. Ils enlevèrent œufs, beurre, pain, jambon, tout ce qu'ils trouvèrent.
Je les suivis dans la maison et les vis s'éloigner, lorsque tout à coup je m'aperçus qu'ils faisaient descendre mon fils du toit et l'emmenaient ainsi que son compagnon. Je me disposais à les rejoindre, lorsque des troupes qui passaient se mirent à tirer dans notre direction. Je me retirai aussitôt à l'intérieur. Les forcenés me poursuivirent et s'emparèrent violemment de ma vieille mère, de ma fille âgée de 20 ans, d'une voisine Albine Wautelet, épouse Rose, et de moi-même. Ils nous collèrent au mur et des soldats, postés en face, firent mine de nous fusiller. Ma fille pleurait à chaudes larmes. A ce moment, un officier survint et, s'approchant du commandant qui s'apprêtait à nous faire fusiller, lui dit quelques mots, et aussitôt les fusils s'abaissèrent. Cet officier alors, s'approchant de nous, prit ma fille par le bras et lui dit : « Ne pleurez plus, j'ai obtenu votre grâce ! » Puis il alla chercher une nappe, l'adapta à un bâton, et fit un drapeau blanc qu'il mit à la façade. « Madame,
me dit-il, plus rien de mal vous sera fait. » « Monsieur, lui dis-je, puisque vous êtes si bon, dites-nous, je vous prie, ce qu'on a fait de mon fils. » Et je lui expliquai ce qui était arrivé. Il appela un soldat, un cycliste, l'interrogea, mais je ne parvins plus à obtenir une réponse.
A ce moment, il était environ 10 heures, plusieurs maisons brûlaient déjà, entre autres le château.

Le lendemain, deux médecins entrèrent. « Madame, vous, grande maison ! » et ils la visitèrent. A l'étage, voyant un grand tableau de Notre-Dame de Lourdes :
« Ah ! sale maison ici » dirent-ils. Puis l'un d'eux ajouta : « Je vais faire venir des officiers ici, et vous les soignerez! » Je leur répondis : « Rendez-moi mon fils et je soignerai vos blessés ! —Qu'avait-il fait votre fils? » J'expliquai qu'il était sur le toit du voisin, occupé à éteindre un incendie. « Ah! grave, très grave ! » s'écrièrent-ils, et ils s'éloignèrent, sans plus revenir. Ces incidents me jetèrent dans une vive inquiétude.
Voici ce que j'appris peu après du vieux Fivet qui avait été fait prisonnier presque en même temps que mon fils. Ils furent conduits chez Florent Spineux, où les soldats dirent à Louis « Vous pastor?... vous avez écrit dans les journaux contre nous! » Mon fils leur expliqua qu'il dirigeait une Croix-Rouge; il s'offrit même à recevoir et à soigner leurs blessés; il leur montra son brassard, qu'ils prirent et piétinèrent. Les soldats l'emmenèrent ensuite, avec Camille Bodart, à Oret. C'est là qu'ils les fusillèrent tous deux.

 

Concernant ce meurtre, les archives du du 92e régiment de Brunswick nous donnent certaines informations:

La prise de civils  en otages et leur utilisation comme bouclier humain, pour aller d'un village à l'autre était selon les archives une pratique courante afin d'éviter les attaques de francs-tireurs.

Concernant Louis Berlier et Camille Bodart ces archives indiquent qu'ils furent contraints de transporter la nourriture réquisitionnée dans les habitations à Biesme et les sacs à dos des soldats. Ils furent apparemment humiliés durant ce trajet. 
Les 2 hommes auraient été joints à un groupe composé "de centaines de zouaves et turcos prisonniers" qui firent le trajet de Biesme vers Oret.
Arrivés à Oret, ils ont dû se démarquer du groupe et ont été abattus.

Concernant leur exécution, il y a trois rapports dans l'historique du 92e régiment:

Le soldat Walter Voigt (1/92. IR) n'était pas présent à Biesme lors de l'arrestation des 2 hommes car étant à Devant-les-Bois, il utilise avec sa compagnie, un autre chemin pour aller à Oret, endroit de rassemblement du régiment. Il relate que ce fut le capitaine von Bismarck, commandant la 3e compagnie, qui donna le signal de les exécuter.

Un autre témoignage de l'ancien major von Sobbe, retraité, qui ne participa pas à la bataille, informe qu'à Oret, il y avait un prêtre et un homme qui étaient prisonniers. Pris à Biesme, ils ont effectué le trajet par prée et Wagnée et durent porter la nourriture réquisitionnée et des havresacs de soldats.
Ils ont été abattus par ordre du commandant du régiment (colonel Schollmeyer).
 Mais von Sobbe écrit aussi que les 2 civils furent fusillés sur l'ordre du Colonel Havenstein.

Quelles sont les responsabilité des exécutions? 

Les trois versions ne se contredisent pas puisque le capitaine von Bismarck commandait la 3e compagnie (3/92.IR), Schollmeyer commandait le régiment (92.IR) et le colonel Havenstein commandait depuit la veille la 40e division qui comprenait les 92e et 77e régiments.
L'exécution de l'abbé Pollart le 23 août à Roselies aurait aussi été faite par des troupes sous les ordres du colonel Havenstein.

Sur la raison de leur exécution, Walter Voigt de la première compagnie du 92e indique qu'ils auraient été capturés les armes à la main en train de tirer sur les soldats allemands  

Le 8/92 raconte une histoire un peu plus détaillée : 

les soldats du régiment se trouvaient à l'extrémité sud du village derrière une haie, mais ils ont été inquiétés par des tirs sporadiques. Ces tirs ne pouvaient venir que de la tour de l'église.
Les soldats ont fouillé le village et trouvé deux civils, un prêtre avec un chapeau de jésuite et un homme vêtu d'habits chic. Les deux hommes ont été surpris avec les armes à la main.

L'organe de presse “ branschweig-spiegel politik” qui a écrit un article sur l'assassinat de l'abbé Berlier, émet l'hypothèse que l'élimination des prêtres aurait pu être l'oeuvre du haut-commandement car les prêtres étaient des gens lettrés disposant du vaste réseau de l'Eglise catholique, donc des témoins encombrants. En effet c'est justement ce même réseau qui permettra à Jean Schmitz de réaliser son impressionnant travail de mémoire sur les atrocités allemandes dans les provinces de Namur et du Luxembourg.
Le journaliste du “ branschweig-spiegel politik” indique que les accusations portées contre Berlier et Bodart sont invraisemblables et dénonce l'exécution des 2 hommes comme un acte criminel. S'il pointe un acte criminel militairement inutile, il appuie une responsabilité d'ordre politique et une propagande décrite comme “complètement insensée”. L'implication du haut-commandement dans ces deux meurtres atténuant ainsi la responsabilité des soldats du 92e régiment.
 http://www.braunschweig-spiegel.de/index.php/politik-2/kultur/5143-pries...

Le colonel Havenstein, le commandant de la 40e division

C'est lui qui ordonna d'abattre l'abbé Berlier et Camille Bodart 

 

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